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Vous �tes dans la rubrique : > PROTECTION SOCIALE PROTECTION SOCIALE, SANTE, FINANCEMENT Catherine Mills, interview in Combat la Revue PROTECTION SOCIALE, SANTE, FINANCEMENT Quelle(s) alternative(s) à la logique comptable ? Questions posées à Catherine Mills septembre 2003 In Combat La Revue. Universitaire, spécialiste des politiques et de la protection sociales, Catherine Mills livre son analyse des enjeux de financement de la sécu. Elle avance plusieurs alternatives à la privatisation et au triomphe de la logique assurantielle. Existe-t-il d’ores et déjà, en France, un véritable problème de financement des dépenses de santé ? Oui, le déficit de l’Assurance-maladie va atteindre près de 10 milliards d’euros en 2003, du jamais vu. Mais cela réside principalement dans un problème de recettes ; celles-ci sont comprimées du fait de la remontée du chômage, de la poursuite du freinage de la progression des salaires, des politiques de réduction des dépenses publiques et sociales qui contribuent à la faible croissance du PIB. Tout cela tend à miner les ressources du système de santé. Mais il existe aussi un problème dans l’orientation des dépenses, avec d’un côté les politiques de rationnement comptable qui étranglent l’hôpital public et la médecine de ville limitant l’accès aux soins gratuits des plus démunis. Tandis que, d’un autre côté, se développent d’éventuels gaspillages liés à une réalité : le système de santé est aussi une vaste machine à faire du profit, notamment pour les industries pharmaceutiques. La montée du privé et les exigences de rentabilité financière que souhaite développer Jean-François Mattéi, conduisent à des détournements de fonds au détriment de ceux qui ont le plus besoin du système de santé. On tend vers un système de santé inégalitaire, et cela dégrade les indicateurs de résultats ainsi que l’efficacité du système de santé. Depuis son arrivée, le ministre de la Santé, Jean-François Mattéi, parle de lutter contre les abus, les gaspillages et les "excès" pour limiter ou infléchir les dépenses. Qu’en pensez-vous ? Jean-François Mattéi s’acharne en fait à vouloir réduire la part socialisée des dépenses de santé. " Tout ne peut être gratuit ", a-t-il déclaré dès son entrée au gouvernement. Son plan, révélé notamment par le rapport Chadelat (1), consiste à organiser l’éclatement du système de santé. À un bout, un système de santé pour les pauvres, une sorte de CMU avec la définition d’un panier de soins limité ; à l’autre bout, la montée massive des dépenses de santé privatisées, avec la pénétration des assurances complémentaires et surtout des assurances privées sur le marché de la santé. Ce qui ne serait pas couvert par la dépense socialisée le serait par les ménages eux-mêmes contraints de recourir au marché des complémentaires et de l’assurance privée. On assiste ainsi à une course aux déremboursements de médicaments dont on affirme qu’ils sont peu efficaces alors que dans le même temps on autorise la mise sur le marché de médicaments beaucoup plus chers. Au lieu de réformer de façon efficace l’hôpital public, on l’étrangle par la politique de rationnement comptable des dépenses, on lui interdit de remplir sa mission de service public, comme l’a révélé cet été le scandale des services d’urgence qui n’ont pas pu, malgré le dévouement des personnels, assurer les soins nécessaires aux personnes âgées frappées par la canicule. On organise ainsi toute une campagne visant à vanter les mérites du privé et à dénigrer le service public. L’augmentation des dépenses de santé vous paraît-elle inéluctable ? Elle l’est pour une large part, mais ceci constitue, contrairement aux idées reçues, un élément positif, aussi bien pour l’accroissement de l’espérance de vie en bonne santé que pour le système économique et social lui-même. Lorsque le niveau de développement s’élève, on constate en effet que la dépense de santé a tendance à s’élever plus que proportionnellement à l’accroissement du revenu. Par ailleurs, cette augmentation contribue positivement à la régulation et à la dynamique du système économique par la stimulation de la consommation privée et collective, par la relance de la demande effective et donc des débouchés des entreprises, ce qui les incite à investir et à développer l’emploi et la croissance. En outre, une force de travail en bonne santé voit sa productivité accrue (2). D’abord, il y a nécessité de véritables réformes de structure : un système plus gratuit, plus coordonné, plus centré sur le malade, une conception moins inégalitaire, une réflexion sur une autre façon de soigner. Cela rend incontournable la sortie du rationnement comptable : enveloppe globale asphyxiant les hôpitaux, numerus clausus et pressions sur les conditions d’exercices de leur métier pour les médecins, les infirmières... Partout monte l’urgence des besoins de créations de postes, d’emploi et de formation, car nombre de disciplines médicales sont sinistrées. La politique suivie par Jean-François Mattéi tend à partir de la crise du système de santé pour organiser la montée de la privatisation et de l’assurantialisation. De toute urgence, il faut faire monter les résistances à cette politique et travailler pour imposer une réforme alternative. Quelles sont les différentes options possibles pour financer l’augmentation des dépenses de santé ? Financer les dépenses de santé, à condition qu’elles soient réorientées, que le système de santé soit réformé, c’est moderne et efficace. Mais de nouveaux moyens de financement et une réforme de progrès du financement sont incontournables. On peut proposer :
Quelles sont les conditions à remplir pour que les alternatives à l’augmentation des cotisations sociales et à la maîtrise comptable des dépenses de santé soient efficaces ? Les cotisations sociales et les prélèvements obligatoires ne doivent pas, comme l’affirment la pensée libérale et sociale-libérale, être considérées comme un boulet freinant l’emploi, la croissance, la compétitivité. Au contraire, elles peuvent servir à la dynamique de dépenses sociales, en contribuant à relever la demande effective à un bout et la progression de la productivité du travail à partir du développement des ressources humaines, la croissance et l’emploi à l’autre bout. Il est impératif d’opposer une réforme de progrès et d’efficacité, à partir d’une résorption des inégalités, de nouvelles structures du système de santé plus coordonnées et concertées, éventuellement plus économes, mieux centrées sur le malade, avec d’autres façons de soigner émancipées du seul paiement à l’acte. Accès plus précoce aux soins, montée de la gratuité, coordination médecins de ville-hôpital, participation des malades et des acteurs sociaux aux choix du système de santé, évaluation au plus près du terrain par les acteurs eux-mêmes des besoins de santé, évaluation des besoins en emploi et en formation, à l’hôpital comme en médecine de ville : tels sont les enjeux que devrait prendre en compte une véritable réforme. Catherine Mills a publié en septembre 2003, avec José Caudron, Jean-Paul Domin, Nathalie Hiraux et Michel Maric, Main basse sur l’assurance-maladie (aux éditions Syllepse). (1) La répartition des interventions entre les assurances maladie obligatoires et complémentaires en matière de dépenses de santé, Groupe de travail de la Commission des comptes de la Sécurité sociale présidé par M. Jean-François Chadelat, rapport remis le 8 avril 2003 à Jean-François Mattéi, ministre de la Santé. (2) Cf . notamment, Protection sociale. Économie et politique. Débats actuels et réformes, Catherine Mills (avec José Caudron), Montchrestien, 2001. (3) Ibidem, chap. 7. (4) Cf. Paul Boccara, Une sécurité d’emploi ou de formation. Pour une construction révolutionnaire de dépassement contre le chômage, Le Temps des cerises, coll "Espere", 2002. (5) Cf. Main basse sur l’assurance-maladie, José Caudron, Jean-Paul Domin, Nathalie Hiraux, Michel Maric, Catherine Mills, Syllepse, sept. 2003. |
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