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Contrat Première Embauche : HARO SUR LE CONTRAT DE TRAVAIL

Entre le contrat première embauche (CPE) et le contrat nouvelle embauche (CNE), tous les jeunes sans exception devront passer par une période de précarité au commencement de leur vie professionnelle.
Et le gouvernement annonce son intention d’engager très rapidement une nouvelle "réforme" du contrat de travail, qui pourrait bien sonner le glas du contrat à durée indéterminée (CDI).
En attendant, la riposte s’organise.

In NVO du 27 janvier 2006

Jeunes CGT

Le Premier Ministre a présenté le 16 janvier le second volet de son plan d’urgence pour l’emploi, qui met particulièrement l’accent sur les jeunes avec la création d’un contrat première embauche (CPE).
Cette mesure, qui n’a fait l’objet d’aucune concertation avec les partenaires sociaux, doit être examinée en urgence à l’Assemblée nationale le 31 janvier*.
« Nous faisons entrer le marché du travail dans la modernité », n’a pas craint d’affirmer Dominique de Villepin, en rappelant que près de 23 % des jeunes actifs sont actuellement au chômage.
Ce nouveau contrat ressemble comme un frère jumeau au contrat nouvelle embauche (CNE).
L’un et l’autre permettent à l’employeur de se débarrasser du salarié, pendant une période de deux ans, sans qu’il ait à justifier sa décision.

Le premier s’applique aux jeunes de moins de 26 ans dans les entreprises de plus de 20 salariés, le second s’adresse à tout le monde dans les entreprises de moins de 20 salariés.

De telle sorte que tous les jeunes sans exception devront dorénavant passer sous les fourches caudines de la précarité au commencement de leur vie professionnelle (1). Y compris ceux, souvent parmi les plus diplômés, qui
ne connaissent pas de difficultés particulières d’insertion professionnelle (2).
« Le CPE entame une profonde modification du code du travail », souligne Bernard Bruhnes, spécialiste des relations sociales. « On introduit la possibilité, pour la première fois dans toutes les entreprises, de licencier sans justifier », observe-t-il, en assurant que le CPE, tout comme le CNE, va fortement se substituer aux CDD et aux CDl.
Les organisations de jeunes, qui ont encore en mémoire l’affaire du contrat d’insertion professionnelle (CIP) d’Edouard Balladur en 1994, ont pris la mesure du danger en mêlant leurs voix à celles des organisations syndicales de salariés. « Le CPE est une véritable insulte faite à la jeunesse », s’exclame Bruno Julliard, président de l’Unef, le principal syndicat étudiant, en réclamant le retrait de cette mesure.
Un collectif d’organisations (3) appelle déjà à des actions, du 30 janvier au 4 février. Bruno Julliard souhaite que le mouvement s’organise « en lien avec le monde du travail ». Et d’ajouter : « cette mobilisation est une nécessité et elle montera en puissance dans les semaines qui suivent s’il le faut ».

Manif contre le CPE 7 février 2006

Les patrons à la fête

Les employeurs sont doublement à la fête. D’une part, avec l’épée de Damoclès du licenciement sans justification placée au-dessus de la tête des jeunes salariés, les patrons disposent d’une main-d’œuvre taillable et corvéable à merci. «  Jeunes de moins de 26 ans, le patron pourra vous virer du jour au lendemain, chaque jour pendant deux fois 365jours... Pas de procédure, pas de motif : si vous déplaisez, dehors !  », résume l’inspecteur du travail Gérard Filoche.
«  Ne vous syndiquez surtout plus ! Plus de délégué du personnel, plus de syndiqués dans la restauration rapide, plus moyen de défendre vos droits, de protester pour les heures supplémentaires imposées et non payées, sinon dehors ! Jeunes femmes, ne tombez pas enceintes avant 26 ans... Ne refusez pas de rester le soir si votre patron vous le demande. Ne refusez plus de lui servir le café, il peut vous virer pour ça sans avoir à rendre des comptes  ».

Cette précarité renforcée contribuera à multiplier les difficultés que rencontrent déjà les jeunes pour obtenir un prêt ou accéder au logement. "Les bailleurs réclament de plus en plus de garanties pour la location", observe Pierre Pério, secrétaire général de la Confédération générale du logement.
Le gouvernement a d’ailleurs conscience du danger, puisqu’il a mis en place le système du Loca-pass. un dispositif qui offre un étalement du paiement de la caution pour prendre un logement en location.
Mais cette mesure risque de ne pas peser lourd face aux lois du marché et de la concurrence car elle ne change rien à la fragilité du statut du travail du jeune salarié.

D’autre part, les patrons vont bénéficier de nouveaux allégements de cotisations sociales.
Dominique de Villepin a annoncé une exonération totale des charges patronales pendant trois ans pour les entreprises embauchant des jeunes de moins de 26 ans au chômage depuis au moins six mois. Le coût de la mesure est évalué à près de 500 millions d’euros cette année. Une somme qui s’ajoutera aux 24 milliards d’euros d’exonérations déjà consenties aux entreprises, soit l’équivalent de plus de la moitié du déficit budgétaire de l’État (estimé à quelque 43,5 milliards d’euros).
Dans ces conditions, le Medef a quelques raisons de se réjouir.
Sa présidente, Laurence Parisot, s’est récemment distinguée en déclarant : «  La vie, la santé, l’amour sont précaires. Pourquoi le travail échapperait- il à cette loi  ». Elle peut s’enorgueillir d’avoir obtenu satisfaction à la tête d’une organisation qui ne se cache plus de jouer un rôle de «  lobbying à l’américaine  ».
Le Medef en redemande donc. « II faut aller beaucoup, beaucoup plus loin » dans la libéralisation du droit du travail, recommande Yvon Jacob, membre du conseil exécutif de l’organisation patronale. « Appliquer le CNE uniquement à une catégorie selon un critère d’âge risque de dévaloriser ce contrat très prometteur », explique Laurence Parisot.
«  La bonne formule serait plutôt d’étendre le CNE à toutes les entreprises
 », revendique-t-elle.

Autrement dit, l’organisation patronale réclame l’extension de la précarité à l’ensemble du salariat.
Sera-t-elle entendue ?

La méthode du « stroboscope »

Le gouvernement avance ses pions de la précarité de manière bien ordonnée.
C’est d’abord le contrat nouvelle embauche, puis la banalisation du recours à l’intérim (4), le contrat premier embauche pour les jeunes et encore le spécial « CDD vieux ».
Et le Premier ministre ne compte pas s’arrêter en si bon chemin : « nous devons tirer les conséquences du lancement réussi du contrat nouvelle embauche pour l’évolution générale des contrats de travail dans notre pays.
Certains envisagent un contrat unique, d’autres souhaitent au contraire retenir un contrat adapté à chaque situation, d’autres encore souhaitent étendre le CNE à toutes les entreprises. Toutes ces options sont sur la table de la concertation
 » (5), déclare Dominique de Villepin, en évoquant la troisième étape de son plan emploi, pour laquelle il veut « aller vite ».

Le bon vieux CDI, qui constitue encore 90 % des contrats de travail actuellement, est bel et bien dans l’œil du cyclone.
Le gouvernement procède par touches successives, mais jamais au hasard.
Il avance selon la méthode « stroboscopique », comme l’explique si bien Emmanuel Dockès, professeur de droit à l’université de Dijon (6).
Le stroboscope est un appareil qui émet de brefs éclairs lumineux à intervalles très rapides et qui donnent dans les boîtes de nuit une perception saccadée, déformée du mouvement des danseurs.
Emmanuel Dockès fait le parallèle avec l’avalanche des flashes juridiques adoptés à un rythme effréné : « ce déferlement des textes pourrait faire croire à un dérèglement de la machine législative, à un emballement, à une folie. Il n’en est rien. Ce qui de loin semble chaotique, prend tout son sens observé de plus prés. Il ne s’agit pas de tremblements convulsifs, mais de raison [...]. Le principal intérêt de la méthode stroboscopique est proprement politique. Plutôt que d’adopter une réforme en une fois, il est souvent plus habile de l’adopter en une dizaine de fois ».
C’est cette méthode qui prévaut pour détruire la réforme des 35 heures.
Les réformes successives des contrats de travail sont tout simplement destinées à mettre bas la réglementation sur les licenciements.

Cpe Manif Marseille 7 février 2006 : 3500 selon la préfecture...

D’un point de vue économique, le gouvernement reprend à son compte la grille de lecture selon laquelle les « rigidités » sur marché du travail seraient la cause essentielle des mauvaises performances de la France en matière d’emploi.
En vertu de cette règle, la flexibilité du droit du travail devrait donc favoriser l’embauche. L’ennui, c’est que la théorie n’est pas validé par l’expérience. L’augmentation de la précarité au cours de ces dernières années s’est plutôt accompagnée d’une détérioration du marché du travail.
Le postulat gouvernemental ne permet pas non plus de rendre compte « des créations d’emplois observées entre 1997 et 2001, qui ont excédé le potentiel que l’on pouvait associer au supplément de croissance enregistré au cours de cette période. Ces meilleures performances ne peuvent en tout état de cause être expliquées par une plus grande fluidité du marché du travail », explique Michel Husson (7), économiste et chercheur à l’Institut de recherches économiques et sociales (Ires). L’analyse empirique à partir des comparaisons internationales n’établit pas non plus une corrélation systématique entre niveau de la législation pour la protection de l’emploi et le taux de chômage. La France, la Grèce et le Canada ont des taux de chômage semblables pour des niveaux de protection de l’emploi variant du simple au triple.
Les Pays-Bas ou le Portugal connaissent un taux de chômage aussi faible que celui des États-Unis, malgré une législation de protection de l’emploi beaucoup plus stricte. Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) elle-même, il est tout simplement impossible de mettre en lumière un impact positif des « réformes des marches du travail » sur le chômage (8).

Par contre, les nouveaux contrats de Dominique de Villepin vont d’autant mieux se substituer aux actuels CDD et CDI, que les employeurs peuvent faire se succéder des CNE avec des salariés différents et qu’un même salarié peut être réembauché sur ce type de contrat après une interruption de trois mois. Ce qui fait craindre à la CGT que les salariés se retrouvent ballottés d’un contrat à l’autre, confinés de la sorte « dans une rotation incessante entre périodes d’emploi, périodes de non- emploi et périodes de sous- emploi ».

Pour le coup, nous sommes loin, très loin des vœux de Jacques Chirac qui prétendait œuvrer en faveur de la sécurisation des parcours professionnels !
Peut-être le gouvernement espère-t-il ainsi faire baisser le nombre des chômeurs, mais celui des pauvres augmentera à coup sûr.
Si le Premier ministre semble fasciné par le modèle outre-Manche, il convient de rappeler que le Royaume-Uni se situe au I5ème rang (sur les 17 pays les plus riches) de l’indicateur synthétique de pauvreté humaine établi par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD, 2004), juste avant l’Irlande et les États-Unis. »

Laurent Mossino, NVO 27 janvier 2006

(1) Selon un sondage réalisé par l’Itop et publié par le Journal du dimanche, 53% des Français estiment que le CPE va •accroître la précarité des jeunes.

(2) Une étude du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Cereq) indique que six jeunes sur dix débutent leur vie professionnelle avec un contrai temporaire et 36% avec un contrat à durée indéterminée (CDI).

(3) Le collectif rassemble des organisations étudiantes, lycéennes, syndicales, associatives, politiques. Il a mis en ligne un blog : http://stopcpe.net
(4) La loi de cohésion sociale autorise les entreprises à embaucher des intérimaires en l’absence de surcroît effectif de travail, condition jusque-là sine qua non pour le recours au travail temporaire, Dominique de Villepin propose maintenant d’autoriser l’embauche en intérim, dans les mêmes conditions, des personnes déjà titulaires d’un contrat de travail.

(5) Sur le contrat unique, voir la NVO du 23 décembre 2005, page 8

(6) Droit social, n° 9/10, septembre- octobre 2005.

(7) Regards sur l’actualité, n° 316, décembre 2005.

(8) « Perspectives de l’emploi », OCDE, Paris, 2004.

Les réactions syndicales

CGT : « Le patronat a donc gagné : le CNE va pouvoir être étendu à la totalité des entreprises et va devenir la forme naturelle d’entrée dans le travail des jeunes, alors qu’il est condamné par toutes tes organisations syndicales.

FO : « Entre le contrat première embauche, le CNE qui concerne toutes les classes d’âge pour les entreprises de moins de 20 salariés et le CDD seniors, petit bout par petit bout, c’est le CDI qui est remis en cause ».

CFDT : "La précarité va continuer, le Premier ministre l’institutionnalise (...) en avouant même qu’il y a déjà eu 10% de ruptures de contrat CNE, c’est-à-dire que 28000 personnes ont déjà été licenciées depuis septembre ».

CFTC : « On ne s’est pas assez battu, pas assez engagé contre le CNE, nous aurions pu éviter les risques de sa deuxième version, le CPE ».

Unef (étudiants) : « Véritable insulte, cette mesure illustre une nouvelle fois l’idée que le gouvernement se tait de la jeunesse : une main-d’œuvre bon marché, une variable d’ajustement pour les entreprises leur permettant d’embaucher sans contrainte et de licencier à tout moment.

UNL (lycéens) : « Le CPE que le gouvernement veut instaurer est un "Contrat Précaire contre l’Épanouissement" et constitue une véritable déclaration de guerre à notre génération ».