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11/09/2013 : La compétitivité française vue de Davos par Michel Husson, Le Monde, 10 septembre 2013

La compétitivité française vue de Davos

Michel Husson*, Le Monde, 10 septembre 2013

La compétitivité d’un pays est difficile à mesurer, et surtout à résumer en un indicateur unique. Elle ne dépend pas, comme on voudrait le faire croire, du seul « coût du travail » : les pertes de part de marché enregistrées par la France s’expliquent moins par des salaires trop élevés que par des facteurs structurels
(innovation, spécialisation, densité du tissu industriel, etc.).

L’idée de construire un indicateur synthétique était donc a priori intéressante, mais sa mise en oeuvre par le Forum économique mondial de Davos est une véritable caricature.
Il établit chaque année un hit-parade des pays en fonction de leur compétitivité. Son dernier rapport fait apparaître un recul de la France, qui passe de la 21e place en 2012 à la 23e en 2013, au profit de la Nouvelle-Zélande et des Emirats arabes unis.
On pourrait s’interroger sur la possibilité même de comparer des pays très différents selon leur taille, leur spécialisation et leur insertion dans le marché mondial. Quel sens cela a-t-il, par exemple, de dire que la France est moins compétitive que Singapour, Hongkong ou le Qatar ?

Mais l’essentiel n’est pas là : il faut savoir que ce classement s’appuie sur une enquête menée auprès des chefs d’entreprise de chacun des pays concernés, et reflète donc plus leurs fantasmes que la réalité. Il suffit de décortiquer les divers indicateurs intervenant dans la construction de l’indicateur synthétique pour s’en convaincre.

Des patrons satisfaits d’eux-mêmes

Que disent en effet les patrons français ? Premièrement, ils reconnaissent bénéficier d’infrastructures de qualité qui sont selon eux parmi les meilleures au monde (4e rang sur 148 pays). Or, ces infrastructures (transports, communications, énergie) ne tombent
pas du ciel : elles sont le fruit de dépenses d’investissement public. Ce que les patrons semblent oublier quand ils se plaignent d’une fiscalité défavorable à l’investissement privé, classant la France en 137e position sur ce point ! Autrement dit, ils veulent bien
reconnaître la qualité des infrastructures, mais rechignent à contribuer à leur financement. Mieux vaut dénoncer le fardeau de la réglementation, qui les conduit à placer la France au 130e rang sur ce critère.
On ne sera pas surpris de découvrir ensuite que le fonctionnement du marché du travail ne convient pas aux patrons français. Ils se plaignent des relations conflictuelles avec leurs salariés (135e rang), des règles trop strictes encadrant les licenciements (144e
rang), des impôts trop élevés sur les bénéfices (134e rang), et bien sûr des « charges sociales » (127e rang), qui découragent l’embauche.

L’inconscient collectif des patrons français

Mais ils sont en revanche plutôt satisfaits d’eux-mêmes : leur culture d’entreprise est hautement professionnelle et sophistiquée (21e rang), ils innovent (19e rang) et sont prompts à adopter les nouvelles technologies (17e rang).
On voit ainsi se dessiner ce que seraient, selon les patrons français, les ressorts d’une France plus compétitive : moins de taxes, moins de charges, moins de droit du travail, moins de réglementation.
Personne ne s’étonnera par ailleurs de constater la convergence entre cette vision du monde et celle de la Commission européenne. Dans son dernier rapport sur les déséquilibres macroéconomiques en France, elle souligne que « les salaires ont
augmenté rapidement et pesé sur les prix et la rentabilité des entreprises (...). Les rigidités du marché du travail français ont également contribué à l’évolution du coût du travail et ont pu limiter le potentiel d’adaptation de l’économie et les gains de
productivité ». La convergence entre la Commission européenne et les multinationales représentées par le Forum de Davos fonctionne parfaitement.
Bref, cet « indicateur » doit être lu pour ce qu’il est : un sondage d’opinion auprès des chefs d’entreprise français. Il n’a donc qu’un lointain rapport avec ce que pourrait être un travail objectif d’évaluation de la compétitivité française.
Son principal intérêt est qu’il permet de mieux comprendre l’inconscient collectif des patrons français : en prétendant que leurs médiocres performances à l’export proviennent avant tout d’un Etat trop invasif et de salariés insuffisamment flexibles, et
non de leurs propres carences, ils inversent un diagnostic plausible de la compétitivité de l’économie française.
Les véritables causes des pertes de part de marché de la France ont en effet été identifiées dans de multiples études et rapports : effort insuffisant d’innovation (contrairement à l’opinion des patrons interrogés), cannibalisation des PME par les
grands groupes, politiques déficientes de formation de la main-d’oeuvre, spécialisation inadaptée au marché mondial, désintérêt des grands groupes exportateurs pour le
marché intérieur, forte sensibilité des exportations françaises au taux de change de l’euro en raison d’une montée en gamme insuffisante, « coût du capital » excessif.
Sur tous ces points, la manière dont les patrons français gèrent l’économie devrait aussi être interrogée.

*économiste, membre de la Fondation Copernic et du conseil scientifique d’Attac