Syndicat CGT Finances Publiques
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Résistances contre la misère : interview de Lucien Duquesne, vice- président d’ATD- Quart Monde

Mise en ligne le 19 octobre 2004

Résistances contre la misère

INVITÉ : Lucien Duquesne

« Nous avons besoin les uns des autres »

Vice-président d’ATD Quart Monde, Lucien Duquesne met sa connaissance du terrain social au service d’une grande cause : la lutte contre la misère. À l’occasion du 17 octobre, Journée mondiale du refus de la misère depuis 1987, l’association appelle à la » prise de conscience ».

- NVO Avant de devenir internationale en 1992, la Journée mondiale du refus de la misère était une initiative d’ATO Quart Monde. Quels en sont l’objectif et l’impact ?

Lucien Duquesne - La situation des plus démunis s’aggrave. Mais aujourd’hui comme hier, il faut sensibiliser, mobiliser le public, car les politiques n’agissent que si l’opinion les y pousse. Comme en témoigne le plan Borloo, le gouvernement est contraint d’en tenir compte. Cette journée est donc un coup de projecteur sur un nécessaire engagement civique et politique et un appel à la prise de conscience. Il n’est pas question d’aide, ni d’assistance, car l’aide peut contribuer à maintenir les personnes dans la misère : il s’agit de lutter contre toute atteinte à la dignité des personnes, un problème qui touche toute la société. Si cette journée n’avait pas existé, il n’y aurait peut-être pas eu la loi de 1998 de lutte contre l’exclusion. Cette loi prévoyait la réunion d’un comité interministériel, il s’est tenu pour la première fois en 2004. Un autre impact est de donner la parole aux personnes en situation d’exclusion. Ça n’est pas si fréquent et même si une journée peut sembler dérisoire, pour ceux qui sont toujours dans le silence, ça peut être important. Et si le plan Borloo n’est pas suivi d’effets et que de véritables moyens ne sont pas mis en œuvre, ce jour peut aussi être l’occasion, avec le monde associatif et syndical, de faire entendre notre voix...

- NVO A l’occasion de cette Journée mondiale au refus de la misère, vous éditez Résistances, un journal gratuit à fort tirage qui a pour partenaire la section française d’Amnesty International. Pourquoi ?

LD- Résistances veut dire au plus grand nombre que l’exclusion prend de multiples formes et constitue une atteinte à la dignité humaine ; nous y donnons des exemples très concrets. Pour cette raison, nous avons voulu le diffuser gratuitement à plus d’un million d’exemplaires (on le trouvera à partir du 17 octobre dans les 3500 plus importants bureaux de poste en France). Il faut avancer sur tous les points à la fois, le droit à l’emploi, à la culture, à l’éducation, à la santé. Amnesty et ATD Quart Monde sont complémentaires, en termes d’expériences,
d’approches...
La grande pauvreté n’est pas traditionnellement la priorité d’action d’Amnesty. Mais elle a l’habitude de campagnes, elle travaille beaucoup par campagnes de lettres. Nous sommes, pour notre part, un mouvement de terrain. Amnesty pourrait, par exemple, se charger de demander à ses adhérents dans toute l’Europe de rappeler à chaque gouvernement que des chartes sociales ont été signées. Les groupes Amnesty savent très bien mener ces actions.

- NVO- Les missions d’ATD ont-elles évolué depuis sa création ?

LD- Le fond reste le même. L’on doit se poser plus de questions. Il faut aussi être très attentifs à ne pas désigner les personnes en situation d’exclusion comme « différentes ». Notre action, c’est de faire comprendre qu’on est tous des citoyens à part entière. Le pire serait de « ghettoiser » les personnes. Ce qu’il faut aujourd’hui, c’est l’accès de tous aux droite communs dans ce pays. C’est un grand danger d’enfermer les gens dans des mesures d’urgence, il faut mettre en place des sas et pas des voies de garage. Comme ce fut hélas le cas de jeunes qu’on a enfermés dans des stages sans avenir. Le plan Borloo annonce qu’il va accompagner les jeunes concrètement jusqu’à un emploi... Il faut voir. Il y a beaucoup à faire au niveau de l’Éducation nationale, car l’exclusion commence là.

- NVO- Vous avez récemment été désigné au Conseil économique et social. De quelle manière souhaitez-vous y agir ?

LD- Je prends la suite du père Wresinsky, de Geneviève De Gaulle-Anthonioz(*), de Didier Robert et j’entends y rappeler, comme eux, que « l’accès de tous aux droits de tous dépend de la mobilisation de tous ». Je veux y apporter et y faire entendre la parole des personnes exclues. Et puis, c’est un lieu de rencontre, notamment avec les forces syndicales, aussi, je pense que la mobilisation évolue de manière très positive. Il semble y avoir une entente de l’ensemble des syndicats en direction des exclus du travail, c’est le signe que nous avons besoin les uns des autres.

PROPOS RECUEILLIS PAR DEEBROOKS.15 octobre 2004 In La Nouvelle Vie Ouvrière
Résistances est téléchargeable sur le site d’ATD Quart Monde

(* Voir le document sur Mme De Gaulle-Antonioz, édité dans la collection •Histoire d’Elles* par PEMF, 60 p., 8,50 €. www.pemf.fr

Biographie
Lucien Duquesne est né en 1943 dans l’Ain.
Membre d’ATD Quart Monde depuis 1967, il est administrateur de la Mission régionale d’information sur l’exclusion Rhône-Alpes.
Il a récemment été désigné par décret pris en Conseil des ministres pour représenter ATD au Conseil économique et social.


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