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Notes de lecture : Renato Di Ruzza et Joseph Halévi : De l’économie politique à l’ergologie, lettre aux amis

Mise en ligne le 4 août 2005

De l’économie politique à l’ergologie, lettre aux amis

Renato Di Ruzza et Joseph Halévi (2003) L’Harmattan

In Analyses et documents économiques N°99 Juin 2005

DIRUZZA

Voici un petit ouvrage de 127 pages déjà un peu ancien puisqu’il a été publié en mars 2003. L’un de ses auteurs est bien connu de la Cgt puisqu’il s’agit de Renato Di Ruzza, économiste, ancien directeur scientifique à l’Iseres et actuellement directeur du département d’ergologie de l’université de Provence.
Son complice est Joseph Halévi, économiste et professeur à l’université de Sydney. La réflexion des auteurs porte sur la validité et la pertinence des discours économiques.

La critique est sévère, même radicale : «  Les économistes n’ont rien à dire sur la marche du monde, et les théories qu’ils utilisent sont bonnes à jeter aux orties : incohérentes, incapables de définir clairement les variables qui leur servent de fondement, ces théories ne sont là que pour alimenter une mythologie scientiste et pseudo savante qui n’a d’autre objet que de fournir des justifications à certains comportements et à certaines pratiques.  »

diruzza notes de lecture

L’introduction de l’ouvrage décrit l’historique de la pensée des auteurs, le cadre social et scientifique dans lequel elle s’est développée, la problématique et les hypothèses fondant leur travail. Concernant R. Di Ruzza, le propos n’est pas tout à fait nouveau car déjà, en 1990, il avait publié pour le compte de la Cgt un ouvrage intitulé Histoires, savoirs et pouvoirs en économie politique dans lequel, après avoir présenté les différentes théories économiques et leurs origines, il montrait qu’elles étaient construites à partir de points de vue représentant des intérêts économiques qui pouvaient être radicalement différents. Il montrait aussi à quel point toutes les théories étaient fragiles et qu’il ne fallait pas se laisser aller à l’idéologie du chiffrage ou de la modélisation sous prétexte que cela pouvait rendre « scientifique » des propos et des points de vue éminemment subjectifs. La base théorique, épistémologique et expérimentale du travail réalisé avec ce nouvel opuscule s’appuie sur l’activité du département d’ergologie de l’université de Provence, promoteur de « l’analyse pluridisciplinaire des situations de travail » (APST) avec le professeur Yves Schwartz comme fondateur (1).

L’introduction se conclue par ces propos : « L’autre ensemble de difficultés provient de l’embrouillamini des mots, notions et concepts qui traitent de la sphère ou de la nébuleuse économique... La tentation est grande parmi les économistes de s’en extraire ou de s’en dispenser, en utilisant des formes langagières absconses, mathématisation et modélisation paroxystiques, en prenant la posture de l’expert, en niant ou en disqualifiant les autres théories, en déniant aux non-savants la capacité à intervenir dans les débats économiques. Et pourtant les questions les plus simples ne sont jamais posées : que savent au juste ceux qui savent ? D’où tiennent-ils leur savoir ? D’où viennent ces savoirs ? Où les ont-ils appris ? Qu ’ont-ils appris exactement ? Qu’en font-ils ? »

La problématique est alors ainsi posée : « Tous les discours économiques, qu’ils soient théorisés ou pas, formalisés ou pas, n’ont pas pour fonction première la connaissance "objective" d’une réalité économique supposée déjà là ; Ils sont élaborés, répercutés, répétés, tantôt pour justifier, tantôt pour dénoncer, tantôt pour critiquer, tantôt pour agir, tantôt pour défendre, tantôt pour reconquérir, et ce n’est que parce qu’ils ont ces caractéristiques, qu’ils permettent de "comprendre", c ’est à dire de se situer dans le monde et d’en fournir une "interprétation". Ils sont dès lors, au sens fort du terme, des mythes, autrement dit des discours organisés en "récits" destinés à donner une "signification " à des processus concrets. « Dans le premier chapitre de l’ouvrage, les auteurs traitent de « l’impossible définition de variables essentielles » comme le taux de croissance, les comparaisons internationales, le produit net et la valeur ajoutée, la quantité, la charge ou l’intensité de travail, la mesure du capital, l’amortissement et le profit, le temps... « autant de choses qui imposent la prise en compte de la singularité, dénient le droit théorique à une quelconque objectivation, voire à une quelconque réification » (p. 25).

Le deuxième chapitre donne des « éléments de mythologie économique » : « si les variables sur lesquelles sont fondées les théories économiques sont sans définition précise, au moins dans l’ordre quantitatif, que peuvent dire les économistes ? (,..) Les discours économiques racontent des choses, ils racontent des histoires, ils racontent une histoire qui se prétend rationnelle et totalisante, qui donne un sens à ce que vivent les êtres humains et qui, par conséquent, guide leurs comportements et leurs actions. Ils donnent au total à ces êtres humains une représentation de leur existence qui leur fait croire qu ’ils y comprennent quelque chose et qui les situent dans leur environnement social (...). Cela n’est évidemment pas spécifique à l’économie politique. Toute parole, tout discours, ont une part inéliminable d’imaginaire et de mythique... Il semble cependant que la part du mythe soit suffisamment importante en économie politique pour qu ’il vaille la peine de la faire apparaître explicitement. » Les auteurs passent alors à la critique, le marché, les prix, la politique économique, le libéralisme en tant que « vieille lune réinventée », etc. Par exemple, concernant la « bonne gestion », le déficit budgétaire et l’internationalisation du capital, les auteurs montrent qu’il s’agit de choix purement politiques sur lesquels la science économique n’aurait normalement pas à intervenir (p. 49).

Les auteurs énoncent en conclusion leur propre thèse : « La thèse que propose et défend le présent opuscule est qu ’il faut en sortir, qu ’il faut quitter le domaine imaginaire de la pseudo rigueur, pour s’aventurer dans celui de la "mise à l’épreuve". Le projet ergologique est l’une des voies possibles dans cette perspective, car il renouvelle toute la question de la production et de l’élaboration des savoirs et des connaissances sur la vie des sociétés humaines. » Cette hypothèse devrait séduire les syndicalistes et toutes celles et tous ceux qui luttent pour leurs droits et leurs revendications, pour une société débarrassée de la dictature des marchés financiers et des dogmes de l’économie capitaliste, pour une société de paix, de justice, de solidarité et de bonheur.

Plus concrètement, certaines critiques livrées par les auteurs recoupent l’activité que j’ai pu mener, au nom de la Cgt, soit au Conseil économique et social de la région Paca, soit au Conseil national de l’information statistique (Cnis). Dans toutes ces instances, la soif de mesure est grande, la volonté de comparer des systèmes forte. Ces mesures ont un but : fournir des données plus ou moins pertinentes, mais dans lesquelles chacun investira sa croyance ou ses intérêts. Elles vont porter sur l’attractivité des territoires, des systèmes productifs, des systèmes fiscaux ou sociaux. Les comparaisons abruptes qui peuvent en découler et dont ne se privent pas les pouvoirs publics, ont entraîné dans les cas les plus flagrants des réprimandes du Cnis, parfois sous la pression syndicale.

Il n’en reste pas moins vrai que dans les cas communs, comme le soulignaient nos camarades de l’Insee lors d’un de leurs colloques voici quelques années : « statistique sans conscience n ’est que ruine de... »

Ceci est d’autant plus vrai que la pression est forte actuellement pour mettre en place des indicateurs de comparaison qui iraient du niveau international aux niveaux beaucoup plus fins des territoires, au risque inconsidéré de ne plus vouloir rien dire car ignorant totalement les singularités des faits ou des activités que l’on prétend représenter. Les débats actuellement en cours concernant les normes comptables internationales relèvent aussi de cette « pseudo rigueur » comme le décrit Jacques Richard dans le numéro 96 de, là revue Analyses et documents économiques : « Après avoir scientifiquement démontré que le goodwill (Goodwill = Différence entre le prix d’achat d’une entreprise et sa valeur nette comptable. NDLR) devait être systématiquement amorti, l’IASB a décidé de remettre en chantier son traitement de la question dès que les autorités américaines ont changé d’avis sur la question. » J. Richard conclue son article en émettant trois thèses fondamentales : « La première est que le capitalisme comptable s’est doté de théories qui permettent d’avancer l’apparition des bénéfices dans le cycle d’investissement ; la deuxième est qu ’il n’hésite plus, pour augmenter effectivement ses performances, à comptabiliser deux fois les mêmes bénéfices ; la troisième est que toutes ces transformations ou manipulations sont essentiellement destinées à distribuer plus rapidement et plus massivement des résultats aux managers et aux actionnaires. »

Le troisième chapitre décrit ce que les auteurs appellent « l’aventure ergologique » : « L’objectif est de repenser l’économie politique sur de nouvelles bases épistémologiques. L’ergologie peut être le point de départ de cette refondation, si, au lieu de prétendre à la rigueur, à la science, à la spécialisation, à la vérité, on admet l’inconfort, le flou, le dialogue entre les "disciplines" et avec les protagonistes des activités humaines, en un mot, si l’on milite pour "l’in-discipline".

Les auteurs- militants ne cachent pas la complexité de leur démarche.
Pour cela, ils essaient de la fonder sur quelques idées claires :
- « Rien de sérieux ne peut être dit sur le travail indépendamment de ceux qui travaillent » (p. 51) ;
- « L’activité humaine est toujours lieu de rencontres singulières entre le prescrit, le prévu, l’anticipé, le normalisé et l’histoire personnelle des êtres humains » ;
- « La pratique scientifique est une activité laborieuse qui met enjeu des actes et des méthodes au moyen desquels les hommes posent, examinent et résolvent des problèmes issus de leur volonté de structurer, par la voie de la pensée, un objet réel, afin d’aboutir à sa connaissance, à sa maîtrise et à sa transformation. »

Il s’ensuit une analyse de caractère épistémologique sur ce qu’est le « réel » pour aboutir à l’interrogation suivante : « Toute la question est de savoir si l’économie politique, et peut-être plus généralement ce qu’il est convenu d’appeler les sciences humaines et sociales, sont des disciplines épistémiques, sinon, quelles en sont les conséquences ? »
Ils contestent l’idée dominante des économistes selon laquelle il y aurait « une réalité économique que leurs théories ont pour tâche de connaître » alors que, considérant d’autres sociétés que les sociétés capitalistes, il est le plus souvent impossible de repérer et d’isoler des « faits économiques » ; « Les faits sont simultanément et indissociablement économiques, politiques, religieux, mythiques, magiques... Même dans les sociétés capitalistes, il n’existe peut-être pas de "rationalité" proprement économique ».

Les auteurs identifient les limites de l’analyse épistémologique pour en proposer un dépassement : « un champ d’investigation ouvert, constitué par l’ensemble de la vie des sociétés humaines ; un processus de couplage original fondé sur le dialogue des savoirs ; une renormalisation conceptuelle permanente au niveau théorique » en rejetant toute hiérarchie entre les savoirs (p. 52 à 65). Alors sont analysées les relations entre savoirs savants et savoirs non savants, l’expert, le conseiller, la théorie et la pratique, l’abstrait et le concret, l’empirisme, l’idéologie du terrain. Et de conclure à la commensurabilité des savoirs : « Admettre la commensurabilité des savoirs savants et des savoirs non savants n’implique absolument pas qu’ils doivent être considérés comme identiques. »

Ces considérations conduisent, selon leurs auteurs, à quatre remarques :
- Le dialogue ergologique (égalitaire) entre les savoirs savants et les savoirs non savants ne peut pas porter sur n’importe quoi, ni mettre en présence n’importe qui ;
- Le dialogue ergologique n’est possible que si les interlocuteurs mettent en mots leurs savoirs ;
- Le dialogue ergologique n’a par conséquent rien à voir avec un dialogue vulgaire ;
- Le dialogue ergologique exige tolérance et modestie à la fois de la part des détenteurs des savoirs savants et des détenteurs des savoirs non savants.

L’argument d’autorité n’est pas de mise et les uns doivent considérer les autres comme des forces « d’appel et de rappel ».
Autrement dit, le dialogue ergologique découle des vingt dernières années de recherche, d’études, observations et de coopération entre universitaires et travailleurs qui ont donné naissance à la pratique d’analyse pluridisciplinaire des situations de travail (APST). C’est à ce titre qu’est « convoquée » la pluridisciplinarité pour tenter de la dépasser par l’interdisciplinarité puis par« Pindisciplinarité ».
Autrement dit, comment sortir des cadres et des normes habituels pour tendre, y compris par la subversion des pratiques dominantes, vers de nouvelles pratiques de production de savoirs ? (p. 65 à 85).

Après l’exposé méthodologique des outils scientifiques mis en œuvre par les auteurs, ils procèdent à un retour à l’économie politique du point de vue ergologique.

C’est l’objet de la quatrième partie de l’opuscule. C’est ainsi qu’est analysé le savoir syndical. Il s’appuie sur les bases de l’expérience, mais aussi sur des bases théoriques. Il est porteur d’effets de connaissances empiriques ou concrètes spécifiques. Il est constaté le divorce entre le travail et l’économie : « En économie, le travail n ’est pas analysé, mais il est considéré comme un entrant au même titre que les autres marchandises... L’économie du travail ne s’intéresse pas plus au travail : elle s’occupe généralement du "marché du travail" plus précisément du "marché de l’emploi", tout en ignorant la variable souvent considérée comme équilibrante, à savoir le salaire... » « Cet état défait est le signe d’une régression épistémologique, théorique et conceptuelle, de la pensée des économistes, qui sous prétexte de scientificité, de mathématisation, de rigueur, sous couvert des sciences supposées "dures", sous l’influence de l’idéologie formaliste, ont déserté le champ du travail, champ qui donnait sens à leur discours, qui définissait les conditions de leurs interventions théoriques et pratiques, et qui leur conférait la possibilité d’un dialogue pluridisciplinaire « (p. 94).

Pourtant, notent les auteurs, le travail est aux sources de l’économie politique, en citant Adam Smith et Ricardo, pères de la théorie de la « valeur-travail ».
Ainsi, les économistes actuels effacent la prééminence sociale de la production et la valeur morale positive du travail. Ils ignorent que le travail est non seulement créateur de richesses, mais qu’il est « créateur d’humanitude » et que « travailler c ’est faire, et ce faisant, se faire ». « Le travail change, à tel point qu’il n’est plus indécent de s’interroger sur son devenir et sur sa définition. Les économistes contemporains ont massivement choisi d’occulter la question, reprenant la maxime du philosophe : « ce dont on ne peut parler, il faut le taire. » Donc, qu’est-ce que la production ? Qu’est-ce que l’échange ? Quelles en sont les problématiques et les limites des mesures que l’on peut leur appliquer ?

Si l’on présuppose de mesurer en termes physiques ces grandeurs que sont la production, le capital et le travail, ce que font, soit dit en passant, toutes les politiques de l’emploi aujourd’hui, « c’est simple, mais c’est idiot » car sont passés sous silence des éléments qualitatifs décisifs.

Alors les auteurs s’interrogent : « une mesure, malgré tout ? » ou « refuser toute mesure ? » Si l’on pense que le travail est encore et toujours « une énigme(2) » qui met en jeu l’humanité dans ses singularités, » toute mesure dans le champ qui nous concerne, est non seulement inutile, impossible, mais également nuisible. Le travail - comme toutes les activités humaines et tous les gestes sociaux - ne ressort pas de la mesure, et tenter de le mesurer revient alors à le rabougrir et à le dénaturer (...) tant qu’on ne sait pas vraiment ce qu’est le travail, tant qu ’il est sans cesse à redécouvrir, tant qu’il met en jeu des spectres continus et infinis de "dramatiques singulières d’usage de soi" ».

« Ce point de vue n ’exclue évidemment pas toutes les mesures. Il est souhaitable, utile, instructif, perturbant et perturbateur, de "mesurer" ce qui fait l’activité de travail (geste, effort, rythme, etc.) et ce qui en résulte (fatigue, accidents, maladies, stress, etc.), mais là encore tautologiquement, on ne fait rien d’autre que de mesurer des éléments particuliers de ce qui fait l’activité de travail et de ce qui en résulte.

Croire qu’en faisant cela, on mesure le travail ou son intensité est tout simplement réducteur, approximatif, ambigu et finalement faux. » Pour terminer ce chapitre, R. Di Ruzza et J. Halévi avancent quelques idées sur les comparaisons internationales de salaires.

Pour dépasser le seul décompte de la quantité d’euros versés, en considérant que le salaire n’est pas qu’une variable quantitative désincarnée, « mais le vecteur par lequel transitent des activités humaines et des gestes sociaux et, selon la nature de ces derniers, que ces gestes n ’ont pas la même signification », la comparaison peut se faire sur le pouvoir d’achat et sur ce qui doit constituer une vie « digne », la dignité devenant ainsi une norme. Les salaires sont pris d’emblée comme des « grandeurs monétaires exprimant le rapport salarial propre à chaque pays. Ce rapport salarial intègre naturellement les spécificités nationales au niveau des modes de consommation ».

Ainsi s’introduit dans la comparaison un élément qualitatif : ce qui convient et ce qui ne convient pas.

Dans ce contexte, les organisations syndicales représentatives de salariés ne sont plus considérées comme des "structures bornées, attachées uniquement à défendre des acquis périmés ou des intérêts catégoriels, mais comme des moyens de rendre explicite les savoirs accumulés par les salariés" concernant leurs conditions de travail et de vie.

Les organisations syndicales « savent » ce qui « convient » et ce qui ne « convient pas ». Sur ce plan, elles ont un savoir incontestable et irremplaçable.

Au passage de leur démonstration, les auteurs donnent un coup de griffe à la théorie de la baisse tendancielle du taux de profit, étant entendu que " contrairement à ce que croyait Marx, les changements techniques profitables se traduisent toujours, in fine, et pour l’ensemble des capitalistes, par une augmentation de leur taux de profit ».
Ainsi, « ce que disent et font les salariés, a des moments clefs de l’histoire, comporte beaucoup plus de savoir sur ces questions [du travail et des mesures, NDLR] que n’importe quelle théorie économique ».

Conclusion générale, il faut refonder l’économie politique et la connaissance économique sur la production de savoirs à partir de la sphère du travail et des activités humaines.

Malgré le vide temporaire et peut être durable face auquel se trouvent les gestionnaires, les membres des comités d’entreprise, les conseillers de ces comités qui peuvent apprécier la force et la justesse de la critique, mais s’inquiéter à juste titre du peu d’opérationnalité des propositions, il est un fait que l’économie politique, l’analyse économique foulent au pied l’expérience du travail, l’expérience concrète des travailleurs en les considérant peu ou pas, en considérant leurs droits et leurs organisations syndicales comme des obstacles.

Ce qui est ici posé, c’est bien l’enjeu d’une « économie politique de la revendication », d’une nouvelle démarche à caractère scientifique et humaine qui mettent en cohérence les propositions, les idées, les revendications et les aspirations qui émergent des lieux de vie et des lieux de travail.

Une telle démarche ne peut rester enfermée dans la modélisation mathématique ou dans les cabinets conseils des grandes entreprises et des gouvernements. Elle doit obligatoirement s’appuyer sur les acteurs du travail et de la vie. Cet ouvrage ouvre donc un sacré débat, pose des enjeux assez énormes, mais peut-être, pour que le propos soit mieux compris et que la critique qu’il propose devienne un réel point d’appui pour l’analyse et la lutte, il me semble que des confrontations devraient être proposées aux diverses organisations, que cet ouvrage gagnerait à donner naissance, en amont, à des recherches, thèses, publications et « polémiques savantes » fondant le point de vue ergologique, et en aval à un document plus court et incisif sous forme de pamphlet.

Pierre Bachman

(1) Voir p. 15 la liste des personnes ayant coopéré à la critique avant publication de cet ouvrage.
(2) Cf. travaux de Y. Schwartz et des chercheurs de l’APST.


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