Syndicat CGT Finances Publiques
Section des Bouches du Rhône
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Souffrance au Travail : ça s’aggrave. De l’introduction de l’évaluation individualisée des performances et des critères de gestion

Mise en ligne le 21 février 2007

Parfois par téléphone ou dans le local syndical, quelques fois au détour d’un couloir, mais aussi lors de nos visites de services..., de plus en plus de collègues souhaitent nous parler, si possible un peu à l’écart.

Souffrance au Travail : ça s’aggrave.

Le ton est mesuré et un peu gêné.
On ne se connaît pas forcément trés bien et dire certaines choses est difficile.

Mais à qui les dire ?


Parfois c’est un collègue qui vous parle... d’un autre mais qui vous parle aussi un peu de lui... et qui vous dit en citant son prénom que ça va pas, qu’"il" n’est pas bien en ce moment, que la pression est trop forte, qu’il ne dort plus la nuit, que son caractère a changé...

Notre rôle de syndicaliste c’est bien sûr d’être à l’écoute.
Mais ça ne suffit pas.

Notre rôle de syndicaliste c’est aussi de conseiller et d’orienter les collègues qui souffrent au travail, par exemple vers les medecins de prévention.
Mais ça ne suffit pas.

Notre rôle de syndicalistes, c’est aussi et surtout de travailler à préserver les solidarités au travail et démontrer qu’il ne faut pas rester seul dans son coin, "pensant que l’orage finira par passer".

Notre rôle de syndicaliste, c’est de démontrer qu’au delà de l’histoire de chacun, nous avons une histoire commune.

Cette histoire commune, dans les services et les bureaux, est constituée d’autant de valeurs que nous partageons et qui ont façonné la finalité de notre travail.

Ces valeurs sont aujourd’hui percutées par des critères de gestion où seule la rentabilité financière des missions de services publics est prise en compte.

Indicateurs, statistiques, objectifs individualisés, suppressions d’emplois, charges de travail demesurées, ordres, contrordres, entretiens d’évaluation- notation, "benchmarking", tensions sur les possibilités de dérouler une carrière, droit à mutation réduit...

Tout cela contribue à une dégradation des conditions de travail, à une dégradation des conditions dans lesquelles on vit son travail.

Notre rôle de syndicalistes, c’est aussi de démontrer que ce que nous vivons n’est pas dans la nature des choses : aujourd’hui des choix sont faits contre les salariés ( code du travail, précarité, travail du dimanche,...) et contre les fonctionnaires et leurs statuts.

D’autres choix sont possibles, d’autres choix qui permettent de concilier épanouissement au travail et efficacité économique et sociale des missions de service public.

Le management prôné aujourd’hui dans nos services est un outil supplémentaire pour atomiser les agents.

A l’heure où l’administration met en place des équipes de formation au management, elle ne peut ignorer les conséquences des nouvelles "normes" de gestion qu’elle emprunte à d’autres secteurs d’activité.

Vous trouverez ci- dessous l’interview de Christophe Dejours, Psychiatre et psychanalyste, directeur du laboratoire de psychologie du travail du Cnam parue dans la Marseillaise, quotidien régional le 6 février 2007.

Les passages en gras ont été soulignés par la CGT Trésor

Depuis la publication de votre livre en 1998, comment les phénomènes de souffrance au travail ont-ils évolué ?

« On peut dire que, loin de diminuer, les choses se sont considérablement aggravées.
Les pathologies liées à la surcharge de travail continuent d’augmenter : les troubles musculo-squelettiques, mais aussi nombre de maladies somatiques dont les plus spectaculaires sont les infarctus et les accidents vasculaires cérébraux, sans antécédents et sans facteurs de risque. On constate par ailleurs beaucoup de dépressions et de suicides. Phénomène plus récent et préoccupant : les suicides sur le lieu de travail.
La semaine dernière, on a beaucoup parlé des suicides à l’usine Renault de Billancourt, mais il y a également des suicides de cadres EDF, d’infirmiers des hôpitaux... Chaque année, plusieurs centaines de suicides se produisent sur le lieu de travail et ce fléau touche toutes les catégories socio- professionnelles. Il est évident que c’est une façon d’accuser le travail, d’autant que ces personnes laissent souvent des lettres où elles disent qu’elles n’en peuvent plus de leur boulot. »

Les causes principales de cette l’aggravation ?

« Beaucoup d’éléments qui vont dans le même sens.
Ainsi, les violations du droit du travail augmentent assez sérieusement et l’introduction de l’évaluation individualisée des performances représente un facteur très aggravant.

Elle entraîne la concurrence généralisée et le développement de conduites déloyales entre salariés pour être crédité de la meilleure performance et garder son emploi. Ceci a brisé peu à peu la solidarité.
Dans une entreprise, tout le monde en souffre du bas en haut de l’échelle. Les gens sont amenés à faire des choses qu’ils réprouvent et remettent en cause leur propre valeur, ce qui conduit à la dépression et, parfois, au suicide. Alors que sur le plan scientifique, cette évaluation des performances n’est pas juste : les résultats obtenus ne sont que rarement proportionnels à la somme de travail entrepris. »

Finalement, les méthodes liées à l’ultralibéralisme n’engendrent-elles pas ce phénomène ?

« Il est évident que la montée de la violence sociale, l’explosion des pathologies mentales au travail sont produites par ces nouvelles formes de management et de gestion ».

Propos recuillis par J. De Grandmaison in la Marseillaise du 6 février 2007

* Christophe Dejours, psychiatre et psychanalyste, directeur du Laboratoire de psychologie du travail du Cnam est l’auteur de « Souffrance en France, la banalisation de l’injustice sociale » (Le Seuil,1998).

lire aussi Suicide et nouvelles formes de servitude au travail : l’impact des nouvelles formes d’évaluation individualisée du travail


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