Syndicat CGT Finances Publiques
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« Paquet cadeau fiscal » pour une minorité de privilégiés et « Colis piégé contre remboursement » pour les autres...

Mise en ligne le 2 septembre 2007

Interview de Frédéric Larrivée, secrétaire de la CGT Trésor 13 pour "le Midi Syndicaliste" sept.2007.

« Paquet cadeau fiscal » pour une minorité de privilégiés et « Colis piégé contre remboursement » pour les autres...

Quelques questions à Frédéric Larrivée, secrétaire de la CGT Trésor 13

- la loi intitulée « travail, emploi et pouvoir d’achat a été votée en juillet. Baisser les impôts, est ce vraiment redonner du pouvoir d’achat ?

Mécaniquement oui ! A travers l’impôt, la puissance publique vous crée une dette. Si la puissance publique décide de baisser le montant d’un impôt, c’est votre dette qui diminue. Vous avez moins à payer, donc vous pouvez utiliser la partie ainsi « économisée » de vos revenus pour consommer davantage et/ ou épargner.

- C’est si simple que ça ?

Bien sûr que non ! Mais, c’est particulièrement « porteur » médiatiquement, démagogique à souhait, et cela permet de mettre en place une fiscalité de plus en plus injuste.
La fiscalité est au cœur des enjeux politiques : elle structure des projets de société. Elle n’existe pas pour elle même.

- C’est à dire ?

Le gouvernement et le Medef ont une stratégie : permettre au « marché » de reconquérir des secteurs d’activités qui, peu ou prou, échappent encore aux actionnaires : il s’agit essentiellement des services publics, des entreprises publiques et des outils de la protection sociale solidaire, particulièrement retraite et santé.
Il s’agit aussi d’écarter l’initiative publique de la réponse à des besoins urgents et/ ou nouveaux. : par exemple le logement, la petite enfance, ou encore les structures d’accueil et d’encadrement du 4ème âge...

Le financement des besoins sociaux, du service public et de la solidarité est au cœur de la répartition des richesses créées par le travail.

- Ce n’est pas nouveau !

En effet ! La question n’est pas nouvelle : c’est celle du partage du... profit.
Si il y a baisse des impôts d’un côté, il n’en demeure pas moins nécessaire de financer les dépenses courantes :on assiste donc à un transfert de « charges » sur la population... ou à l’abandon de missions publiques et aux suppressions d’emplois de milliers de fonctionnaires.

- Sommes nous face à des impératifs économiques ou est- ce une question de volonté politique ?

Qu’il s’agisse des impôts ou des cotisations sociales, l’Etat régule dans un sens ou dans l’autre : d’un côté l’intérêt général et de l’autre les intérêts particuliers des actionnaires et d’une minorité de privilégiés liés au pouvoir économique et politique...la Politique est une finalité et l’économique seulement un moyen.

- Fiscalement, cela a quelle conséquence ?

Pour les impôts, depuis de nombreuses années et avec une ampleur nouvelle depuis 2002, cela se traduit par un allègement de la fiscalité sur les revenus du patrimoine et des hauts et très hauts salaires : Concrètement, c’est le bouclier fiscal promis par Sarkosy.

- Cela consiste en quoi ?

Mis en œuvre au 1er janvier 2007 à hauteur de 60%, le bouclier fiscal sera actionné à hauteur de 50% au 1er janvier 2008. La somme des impôts directs et contributions sociales ne pourra excéder 50% des revenus. C’est une machine à rembourser l’impôt de solidarité sur la fortune. Cela va coûter près d’un milliard d’euros à la Nation !.D’après les études de la CGT Impôts, il ressort que 13 000 contribuables seraient remboursés chacun de 45 000 euros...
Cette « privation » de ressources va affecter le financement des collectivités locales. Celles ci vont re- facturer auprès des habitants via les impôts locaux...le cadeau ainsi remis à une clientèle électorale sera payé par les petits contribuables via l’impôt sur le revenu, la TVA et l’augmentation des impôts locaux !

- Il y a aussi la question des intérêts d’emprunts.

Evidemment, et c’est bien normal, que les ménages qui ont acheté une habitation principale considèrent avec intérêt cette possibilité de déduction fiscale. Le conseil constitutionnel a rejeté la proposition pour cause de rétroactivité. Au demeurant, cela aurait coûté environ 3,7 milliards de recettes publiques. Mais cette mesure est surtout un facteur d’inflation du prix de l’immobilier... ou de maintien du taux de profit dans ce secteur !. Dans le même temps, se loger devient mission impossible...La CGT Finances fait d’ailleurs un certain nombre de propositions pour redonner au livret A son rôle de financement du logement social.

- La réforme des droits de succession a, semble -t il, été bien perçue...

On nage en pleine démagogie ! D’abord, c’est pas tous les jours que nous sommes confrontés aux droits de successions ! ! ! Sauf à travailler dans le service des impôts qui taxe ces droits ! 89% des héritiers directs sont déjà exonérés de droits ! Le coût de cette réforme, c’est environ 3 milliards d’euros ! Selon le rapporteur de la loi, un couple avec 2 enfants et un patrimoine de 1,5 millions d’euros pourra transmettre la totalité en franchise de droits. Cela profite encore aux riches.

- Et les impôts locaux ?

C’est la commune, le département, la régions et les Etablissements Publics de Coopération Intercommunale (Communauté urbaine Marseille Provence Métropole, Pays d’Aix,...) qui en sont bénéficiaires. Et ces impôts flambent ! L’Etat se désengage et transfère des compétences aux collectivités locales : cela a un prix. Et c’est à travers les impôts locaux (habitation, foncier) que cela se traduit auprès des ménages. Il n’y a pas d’égalité devant ces types d’impôts. il y a des communes riches, d’autres pauvres... et selon ou vous habitez vous payez plus : c’est moins cher à Neuilly qu’à Marseille...
Les collectivités locales sont prises entre deux feux : Augmenter les impôts locaux et/ ou s’endetter... ce qui accélère les externalisations, comme par exemple les délégations de services publics.

- Il y a beaucoup d’impôts différents : indirects, directs, locaux...

Les plus injustes sont ceux qui sont proportionnels et pour lesquels il n’y a pas d’avis d’imposition : la TVA et la TIPP. Ce n’est pas ceux là qui sont baissés !
La TVA, c’est presque 50% des recettes de l’état. ! Elle frappe tous les contribuables indifféremment de leur niveau de vie. Sauf que la part de la consommation dans le budget des classes moyennes ou pauvres est plus importante que celle d’un ménage de riches !
Le « paquet cadeau fiscal » de juillet 2007 est chiffré à 15 milliards d’euros. c’est l’équivalent d’une baisse de 2 points de la TVA !
Mais comme disait Alphonse Allais, « les pauvres n’ont pas beaucoup d’argent, mais il y a beaucoup de pauvres ». Encore qu’une baisse de taux de TVA, si elle n’est pas encadrée, équivaudrait à une augmentation de marge commerciale ( voir le lobbying de l’Hôtellerie Restauration sur cette question).

L’impôt sur les bénéfices des sociétés était de 50% en 1985 : il est aujourd’hui de 33 % !
La question n’est pas la « baisse des impôts » mais bien celle de quels impôts et de la justice fiscale.
Le cadeau fiscal est donc estimé à 15 milliards d’euros. Il faut rapprocher ce chiffre des 25 millions attribués par la loi TEPA (travail, emploi et pouvoir d’achat) pour les 50 000 personnes concernées par le dispositif d’expérimentation du revenu minimum d’activité...

- Et le prélèvement à la source ?

Bercy est le bras armé du libéralisme. Les projets de « prélèvement à la source » de l’impôt sur le revenu et d’extension du nombre de redevables ( baisse du seuil de non imposition) ont pour objet de transformer l’impôt progressif (le plus juste) en impôt proportionnel (principe de la TVA), d’abandonner le quotient familial pour l’impôt personnel, à l’anglo- saxonne.
C’est la progressivité de l’impôt sur le revenu, déjà mise à mal, qui est en jeu. Encore des projets pour une minorité. Comme l’écrivait un journaliste d’Alternatives Economiques, « pourtant le millionième euros d’un contribuable est plus utile à la société que le 1er euro d’un smicard ». Avec le prélèvement à la source, les patrons deviendraient percepteurs ! L’idée du Medef, c’est aussi de fusionner la CSG avec l’impôt sur le revenu et de fiscaliser ainsi les ressources de la sécu.

- Et la TVA dite « Sociale » ?

La TVA sociale se substituerait aux cotisations patronales. On comprend mieux l’enthousiasme du patronat sur cette question... Cela signifie tout simplement une diminution du salaire global (salaire brut + cotisations patronales) et une nouvelle érosion de la part des salaires dans la valeur ajoutée... Affectée aux ressources de la protection sociale, cela conduira à un seuil minimum de couverture sociale. Cela va pousser les assurés à s’orienter vers des contrats individuels complémentaires souscrits auprès d’organismes financiers, et donc permettre la captation de flux financiers énormes qui jusqu’alors échappaient aux sociétés financières et à la spéculation. Vous glissez ainsi vers une individualisation du niveau de garantie retraite et de protection santé. Cela fait imploser la conquête de la sécu et les retraites par répartition, seul système viable...

L’association Attac a mis en évidence quatre dangers de la TVA sociale : une forme de dumping au sein de l’union européenne pour redonner de la « compétitivité » aux exportations (déduction des la TVA sociale des exportations et taxation des importations), une nouvelle baisse de la contribution des entreprises, sans aucune contrepartie de leur part en termes de baisse des prix et de création d’emplois ;un expédient anti-social pour financer l’augmentation du déficit budgétaire induite par les cadeaux du « paquet fiscal » aux détenteurs de revenus les plus élevés ; et enfin la TVA sociale irait encore un peu plus à l’encontre du caractère redistributif de l’impôt.

- Autre angle d’attaque du Medef et du gouvernement, la question de la dette publique ? On vivrait au dessus de nos moyens ?

En fait, une minorité vit grassement sur nos moyens ! La aussi, on pourrait trouver un paradoxe : alors que la dette - et les intérêts de la dette- s’alourdissent, le gouvernement fait des cadeaux fiscaux aux plus riches. C’est se priver de ressources pour mieux justifier ensuite « comptablement », lors du vote de la loi de finances, l’abandon des services publics et les suppressions d’emplois de fonctionnaires.

- il y a aussi le pacte de stabilité ?

Pacte de stabilité oblige, il y a les remontrances de l’Union Européenne et de la Banque Centrale, garante de l’orthodoxie anti- inflationniste et de l’Euro fort. La BCE oblige l’Etat à emprunter sur les marchés financiers pour financer sa dette. Auprès de qui emprunte - il ? Auprès de ceux auxquels le gouvernement fait des cadeaux fiscaux en offrant des « boucliers ». Elle est pas belle la vie ?
La BCE par contre n’hésite pas à injecter la somme colossale de 300 milliards d’euros sur les marchés financiers suite à la crise due en partie aux « subprime mortage », les crédits hypothécaires à fort rendement. Question de philosophie de la BCE diront certain....
(Pour la petite histoire, c’est à Michel Pebereau, Président de BNP Paribas qu’avait été confié par le précédent ministre de l’économie un audit sur « l’efficacité des politiques publiques » en 2005. Le même Pebereau au mois d’août 2007 a suspendu la cotation de 3 fonds spéculatifs de la BNP « affectés » par la crise boursière des « subprime mortage »...).

- On nous parle de l’endettement des générations futures, de nos enfants. Le lien avec la fiscalité ?

Ils veulent faire culpabiliser le salariat, les retraités, les malades...C’est une bataille idéologique avant tout.. La réalité c’est que le poids de la dette est d’ores et déjà transféré sur la population et plus particulièrement, à travers la TVA et les impôts locaux, sur les couches moyennes et populaires.
Les pots cassés, c’est la majorité de la population qui les paye : cela passe par le pillage du patrimoine public avec la vente des actifs et les privatisations pour payer les intérêts de la dette, par des réductions budgétaires et une diminution de la présence et de la qualité des services publics, par la transformation des usagers en clients : ces derniers vont repayer ce qu’ils ont déjà payé ou vont être privé du service auquel ils auraient droit. Le transfert sur les générations actuelles, c’est aussi le maintien d’un taux de chômage de 10% et la part des salaires dans les richesses créées qui ne représente plus que 66,5 % du PIB en 2006, contre 76,8 % en 1981. La différence, rapportée au PIB 2005, c’est quelques 180 milliards d’euros ! **

La conséquence, c’est des cotisations sociales qui ne rentrent pas dans les caisses et des recettes fiscales moindres...
Dans le même temps, c’est 65 milliards d’aides publiques aux entreprises en 2006 ( sans résultat probant sur les créations d’emplois - voir rapport de la cour des comptes) tandis que la fraude fiscale et sociale cumulée se situe dans une « fourchette » de 29 à 40 milliards d’euros...

- Qui veut la fin veut les moyens ?

Ils laissent « filer » la dette pour mieux justifier ensuite les privatisations, les externalisations, etc. C’est le leitmotiv de la « réduction du train de vie de l’Etat et de la baisse des dépenses publiques ». Le meilleur moyen de laisser filer la dette est de se priver de recettes fiscales.

- Le discours démagogique sur la baisse des impôts s’appuie sur la baisse du pouvoir d’achat...

Tout comme celui du « travailler plus pour gagner plus », pour tenter d’opposer les bas salaires aux très bas salaires et aux minima sociaux.
Il y a un véritable malaise et de réelles difficultés de vie liées à la diminution du pouvoir d’achat des salaires, des retraites, des minima sociaux.
A défaut d’un rapport de force organisé par les salariés vis à vis d’un Medef prédateur, la perspective même d’un progrès social est difficile à envisager pour le salarié isolé. Ne lui sont éventuellement proposées que des solutions du type « heures sups » quand le problème est celui du niveau du salaire ou de l’emploi à temps partiel contraint. D’où le rôle fondamental de l’organisation syndicale et des outils de proximité, je pense à l’union locale, pour aller à la rencontre et au débat avec les salariés « atomisés ».

- Comment enrayer cette démagogie et convaincre que d’autres choix sont possibles ?

Possibles et nécessaires. D’abord, même si la matière est parfois « âpre », la fiscalité ne doit pas être de la seule compétence de quelques experts : il s’agit d’un débat citoyen qui concerne nos conditions de vie, de travail et d’épanouissement.
Prenons la question environnementale et le traitement des déchets : chaque occupant d’un local d’habitation paye une taxe d’enlèvement des ordures ménagères assez conséquente... Pour autant, les contributeurs sont dépossédés du débat sur les méthodes, choix et lieux de retraitement des déchets. Le traitement des déchets doit- il être un business ou au contraire nous obliger à repenser ce problème dans le cadre du développement durable et de la préservation de l’environnement ?
Idem pour les investissements dans les infrastructures de communication, sur le développement des transports en commun, sur le ferroutage, ... Payer un impôt, ce n’est pas remettre un chèque en blanc. C’est aussi avoir des droits.

- c’est la bataille des idées !

Oui ! et cela passe par l’information et l’argumentation.
Que nous disent gouvernement et Medef ? « Si les impôts baissent, chacun est gagnant ». Sauf que les « bons numéros » sont attribués à l’avance aux contribuables les plus riches ! Il n’y a rien de commun entre un redevable de l’ISF et le contribuable lambda. Pour être imposé à l’ISF, il faut posséder un patrimoine évalué à 760 000 euros en 2007, hors résidence principale ! Soit prés de 5 millions de francs !*

Le second aspect, c’est le populisme : l’impôt serait confiscatoire, et abusif : cela permet de dissocier l’impôt en général de l’outil de solidarité et de cohésion qu’il constitue.
Pour les privilégiés, l’impôt doit être perçu comme un abus, comme une confiscation. Et il faut travailler l’opinion publique à cette idée...
La Prime pour l’emploi est symptomatique de cette propagande : il ne s’agit ni plus ni moins que d’un impôt négatif : on fait payer par la collectivité la non augmentation des salaires par les patrons.

L’importance des chiffres rend parfois difficile la compréhension, mais une chose est sûre : l’addition est douloureuse pour les salariés.
Après, on nous explique qu’il faut dé- rembourser des médicaments, augmenter le forfait hospitalier, instaurer des « franchises », supprimer des lignes de train « non rentables », fermer des services publics de proximité (Hôpitaux, postes, perceptions,...et mettre fin à la gabegie... et on nous propose la TVA SOCIALE !

- Le Medef fait grand cas du « trop d’impôts »- qui ferait fuir les investisseurs-, et du « trop de contraintes sociales » qui empêcheraient les céations d’emplois...

Les salariés sont les premiers contributeurs avec la TVA et les différents impôts. La France reste un pays attractif pour l’investissement.. Il faut travailler à de véritables coopérations en Europe pour harmoniser la fiscalité et les normes sociales afin d’éviter le dumping.

Derrière les exigences du Medef, il y a la mise en concurrence des salariés. Il est illusoire et dangereux de réduire les enjeux du développement économique et social au seul « coût » du travail. Derrière cette approche, c’est de taux de profit dont il est question et de rémunérations à 2 chiffres de l’actionnariat.***
Le paquet fiscal s’accompagne de mesures de régression sociale, avec des recettes qui n’ont jamais été probantes en terme de créations d’emplois et de croissance : renforcement des dispositifs d’exonération de cotisations sur les bas salaires, précarité et bien sûr perte de pouvoir d’achat des salaires, des retraites et des minima sociaux. Cela favorise la déqualification des salariés et les remises en cause du droit du travail : C’est la question, par exemple, du travail banalisé le Dimanche, du CNE, du contrat de travail unique et de la séparation à l’amiable employeur / salarié. Il y a collusion totale entre le Medef et la politique fiscale et sociale gouvernementale. Il suffit de lire le discours de Sarkosy lors de l’université d’été du Medef 2007 et d’observer l’accueil enthousiaste de l’auditoire.


Sources :

- * Snadgi CGT « la vie syndicale » N°298 août 2007

- **(Sources économiste Michel Husson).

- *** Pédagogie du Medef et lois protectrices de l’emploi Bercy 25/ 01/2007

- Association Attac et TVA Sociale


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