vous êtes ici : accueil > Actualité > Générale
"Quand on vit plus longtemps, on peut travailler plus longtemps !" C’est ce que vient, malheureusement de déclarer notre ministre des Affaires sociales, Marisol Touraine.
Cette phrase est inexacte. On peut mais on ne doit pas !
Si on vit plus longtemps, c’est grâce à la retraite à 60 ans. Si on vit plus longtemps, c’est pour en profiter plus longtemps. Si on travaille plus longtemps, on vivra moins longtemps.
D’ailleurs, déjà l’EVSI (espérance de vie sans incapacité, ou espérance de vie en bonne santé) baisse en France chaque année depuis 2008. En Allemagne, aux USA aussi…
Les meilleures années de la retraite c’est entre 60 et 65 ans. Les plus dures années au travail, c’est entre 60 et 65 ans. Comme disent nos égoutiers et éboueurs : "retraite retardée, mort prématurée".
Vous avez déjà observé un ouvrier du bâtiment de 55 ans derrière son marteau-piqueur. Son espérance de vie est limitée à 60 ans. C’est bien le travail qui tue, et la médecine n’y peut rien : un ouvrier vit en moyenne 7 ans de moins qu’un cadre. Vous avez observé une infirmière de 62 ans qui cherche votre veine ? Vous avez observé un instituteur de 62 ans qui fait sa 42e rentrée des classes au milieu de ses bambins ? Vous savez qu’il y a entre un tiers et la moitié des accidents cardiaques et vasculaires (250.000 par an) qui sont liés au travail ?
Déjà environ 100.000 hommes et 50.000 femmes meurent entre 60 et 62 ans, désormais sans retraite, dans 82% des cas. (Seuls 18% ayant travaillé 42 ans depuis l’âge de 18 ans ont le droit à la retraite à 60 ans). La retraite, on la veut pour vivre, pas quand on est grabataires.
Les retraites ne sont ni une question de durée de la vie, ni une question de démographie. La durée de la vie n’augmente pas tant que cela (un demi trimestre par an à partir de 60 ans). Elle n’augmente que dans les catégories où elle était déjà plus élevée.
La crise en cause
La démographie n’est pas en cause, nous avons un taux de naissance le plus élevé d’Europe depuis 13 ans (trois fois plus que ce qui fut prévu par le rapport Charpin de 1998) ! S’il y a une difficulté actuelle dans l’équilibre des budgets retraite ce n’est pas à cause de la démographie, ni de l’allongement de la vie, c’est à cause du chômage et de la crise causée par les banques. C’est à cause de 3,2 millions de demandeurs d’emploi et des salaires bloqués.
Ce n’est pas structurel mais conjoncturel.
Et notre budget de la protection sociale (l’un de nos trois budgets, 450 milliards) ne génère que 10% de déficit et 10% de la dette globale du pays. Il n’y pas le feu, là. (Ces 10% de déficit sont d’ailleurs contestables). Ce n’est pas là qu’il y a problème. 90% de la "dette" (indigne) vient d’ailleurs, des autres budgets (dont 78,5% du seul budget de l’état).
La retraite ne pèse guère dans la "dette". En fait la retraite c’est du salaire ! Il ne faut ni baisser les salaires, ni baisser les retraites, au contraire il faut les augmenter pour permettre la relance. Les baisser c’est accroître l’austérité, donc la récession, donc l’augmentation des déficits et de la dette.
On veut une bonne retraite, c’est pour la vivre. Déjà 50% des retraites sont en dessous de 1000 euros. La moyenne des retraites est autour de 1200 euros.
Il faut les hausser, les indexer sur les salaires, pas les désindexer des prix, pas les soumettre à des décotes ! Augmenter les salaires, c’est supprimer le déficit – limité – des retraites. Les retraites c’est du salaire transmis en direct, en temps réel, par ceux qui travaillent à ceux qui sont en retraite.
La retraite par répartition, c’est du solide : plus solide que les fonds de pension à… fond perdu ! "Mettre de l’argent de côté" dans les assurances, ou pseudo caisses complémentaires privées, c’est un leurre, un piège, un gouffre sans fin. S’il y a de l’argent, mettez-le dans nos caisses communes de retraite, pas dans les fonds et assurances diverses. Ne leur versez rien, même pas un centime, ils vous voleront tous, ils dilapideront vos sous…
Allonger les annuités cotisées au travail, c’est un leurre : en pratique, le chômage des seniors augmentant, elles baissent. Les 2/3 arrivent en retraite sans être au travail. 40% ont une décote. À partir de 55 ans, les 2/3 des salariés sont licenciés, inaptes, malades, au chômage.
Fixer à 42 ou 43 ou 44 annuités, les cotisations pour une retraite à taux plein, c’est imposer aux salariés de sauter à la perche sans perche, ils ne les atteignent pas. Et ils les atteindront de moins en moins puisque les jeunes rentrent toujours de plus en plus tard en CDI… Comment les salariés du privé pourraient-ils "choisir" de travailler plus longtemps ? Ils n’ont pas le choix !
L’affirmation de Marisol Touraine se présente comme découlant du bon sens mais n’a rien à voir avec la réalité vécue. Allonger encore la durée de cotisation amènerait les 3/4 des salariés du secteur privé à ne plus être au travail quand ils partiront en retraite. Ce serait remplacer la retraite de 60 à 65 ans par l’accroissement du chômage de masse. Notamment celui des jeunes.
Il ne peut pas y avoir de réduction du chômage de masse sans réduction du temps de travail sur la semaine, l’année, la vie. Pourquoi faudrait-il obliger des salariés âgés qui ont le droit au repos, après 40 ans de labeur, à rester au travail, alors que des centaines de milliers de jeunes sont à la recherche d’un emploi ?
Le tabou des cotisations patronales
À quoi ça sert d’avoir fait la semaine de 35 heures si c’est pour faire la retraite à 65 ans ? Il n’y a pas de "tabou" pour équilibrer nos retraites affirme notre gouvernement. Il y a pourtant, hélas, un "tabou", c’est celui de l’augmentation des cotisations patronales dont notre gouvernement ne semble pas vouloir entendre parler, si ce n’est de façon infinitésimale.
Ce sont pourtant les cotisations qu’il faut moduler, pas les annuités, pas l’âge de départ. La prestation doit être assurée (retraite à 60 ans à taux plein, à 75%, indexée sur les salaires…) et les cotisations doivent être ajustées en conséquence. Cotisations modulées, prestation assurée ! Échelle mobile des cotisations !
De l’argent il y en a.
Par le pacte de compétitivité (CICE), il a été choisi de donner 20 milliards d’euros aux employeurs sans aucune contrepartie. Ce "pacte", a été accordé, sans toucher aux profits des entreprises et donc, en fin de compte, aux dividendes (170 à 180 milliards par an) versés aux actionnaires des grands groupes.
Ce choix est injuste et amplifie la récession parce que les actionnaires ne consomment qu’une faible partie de leurs revenus. Ce choix est dangereux parce qu’il va permettre à ces dividendes d’aller gonfler, comme avant la crise de 2007-2008, de nouvelles bulles spéculatives. Ce choix est enfin une des causes de cette attaque contre les retraites : pour donner 20 milliards aux patrons, ils vont être enlevés aux retraités.
Article publié le 10 juin 2013.