Syndicat Finances Publiques CGT
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Réforme de l’assurance maladie : ça commence mal.

Mise en ligne le 25 mai 2004

Le gouvernement cherche à culpabiliser les assurés, sans traiter les enjeux d’avenir du système de protection sociale

Le Ministre de la Santé a dévoilé lundi 17 mai les grandes lignes de la réforme de l’assurance maladie voulue par le gouvernement. Il a ensuite remis une " note d’orientation sur la réforme de l’assurance maladie " aux partenaires sociaux dans le cadre de la discussion entamée le 18 mai.
Le tableau ci-joint récapitule les principaux points des annonces ministérielles :

-LE PATIENT

Un euro par consultation médicale. Le premier ministre avait, il y a quelques jours, avancé cette hypothèse pour " responsabiliser " l’assuré social. Philippe Douste-Blazy, son ministre de la Santé et de la Protection sociale, a confirmé cette ponction sur le porte-monnaie des Français, et précisé qu’il s’agirait de 1 euro. Seuls les bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU) et les jeunes de moins de vingt ans ne seront pas concernés.
Concrètement, pour une consultation chez le généraliste facturée 20 euros, le patient ne serait plus remboursé par l’assurance maladie que sur la base de 19 euros. De fait, il s’agit d’une baisse du taux de remboursement de la consultation, qui touchera les plus malades.
Et une fois cette brèche ouverte, il est à craindre que cette contribution devienne une variable d’ajustement commode, de la même manière que le forfait hospitalier, de l’ordre de 3 euros à son instauration en 1983, est aujourd’hui de 13 euros.
Reste à savoir si les assurances complémentaires, comme elles l’ont fait avec le forfait hospitalier, proposeront à leurs clients de couvrir la différence. Dans tous les cas, cette mesure touchera les assurés sociaux.

Le dossier médical informatisé. Philippe Douste-Blazy a assuré qu’il serait mis en place dans les deux ans. Le dossier médical informatisé permettrait de rassembler les données médicales (maladies, traitements, etc.) d’un patient, ainsi que les examens qu’il a déjà effectués. Ces informations ne seraient pas contenues sur la carte Vitale, mais elles seraient stockées sur un serveur informatique dont l’accès serait régi par un code. L’objectif est de réaliser des économies en évitant les examens redondants, et d’empêcher le " nomadisme " médical, que le gouvernement estime trop fréquent, alors que des études ont montré qu’il était minoritaire.

La sanction financière en cas de consultation chez le spécialiste sans passer par le " médecin traitant ". Le ministre de la Santé installe une amorce de filière de soins. Il souhaite qu’un malade qui consulte un spécialiste sans avoir demandé l’avis de son médecin traitant - qui peut être un généraliste, mais aussi un pédiatre - soit pénalisé. L’idée serait d’autoriser le spécialiste sollicité directement à augmenter librement ses tarifs, et cette augmentation serait à la charge du patient. L’entourloupe permet par la même occasion au gouvernement de calmer la colère des médecins spécialistes de secteur 1 (qui pratiquent des tarifs conventionnels) qui réclament la réouverture du secteur 2 (honoraires libres), en leur donnant la possibilité dans certains cas d’appliquer des prix libres. Certains médecins craignent cependant d’être transformés ainsi en distributeur de tickets.

Le contrôle sur les arrêts de travail, et la constitution d’une commission médecins-patients. Le gouvernement estime que 6 % d’arrêts de travail injustifiés - selon une estimation de la Caisse nationale d’assurance maladie -, c’est trop. Alors que les contrôles sur les arrêts de plus de trois mois sont quasi systématiques, l’accent serait mis sur les arrêts courts. Mais ils sont par définition difficiles à contrôler. Philippe Douste-Blazy propose la constitution d’une commission de médecins libéraux et d’usagers qui pourrait exiger le remboursement des indemnités journalières consécutives à ces arrêts abusifs. S’agit-il d’instituer des contrôles rétroactifs ? Le ministre ne l’a pas précisé.

Forfait hospitalier : M. Douste Blazy a annoncé sur France Inter le 19 mai que le forfait hospitalier devrait augmenter d’un euro dès cette année et être porté à 14 euros ( précédente augmentation en septembre 2003 : passage de 10,67 € à 13 € )

-LE FINANCEMENT

La hausse de la CSG pour les retraités. 550 millions d’euros, c’est la somme qu’attend le gouvernement de la hausse de la CSG des retraités imposables, qui passerait de 6,2 % à 6,6 %. " Pour un retraité qui touche 1 000 euros par mois, cela représenterait 5 euros ", a tenté de rassurer Philippe Douste-Blazy. La nouvelle tombe mal, cependant, dans un contexte où les retraites sont tirées vers le bas, et malmenées par la réforme de l’an dernier.

Hausse de 0,03 % de la C3S. La contribution sociale de solidarité sur les sociétés, adossée au chiffre d’affaires des entreprises, sera augmentée de 0,03 %, passant de 0,13 % à 0,16 %. Le gouvernement ne prend décidément pas le risque d’affronter le patronat. Et alors qu’il sollicite à tout va la responsabilité des patients, il évite tout relèvement franc des cotisations sociales par crainte de la réaction du MEDEF.

Remboursement d’une part de la dette de l’État à la Sécurité sociale. Chaque année, le cadeau fait aux entreprises sous forme d’exonérations de cotisations s’élève à 20 milliards d’euros. L’État devrait compenser ce manque à gagner pour la Sécurité sociale, mais il omet chaque année de rembourser quelque 2 milliards d’euros. Le gouvernement s’est engagé à faire un effort de 1 milliard d’euros.

-LE MEDICAMENT

La généralisation du tarif forfaitaire de responsabilité (TFR), qui adosse le remboursement d’un médicament de marque au prix de son générique, devrait permettre une plus grande pénétration du générique sur le marché. Mais c’est le patient qui devra être vigilant s’il ne veut pas payer de sa poche la différence entre le prix du générique et le prix du médicament de marque.

Le délai entre la commercialisation d’un médicament et la mise sur le marché de son générique est raccourci. Il passe de 15 à 10 ans.

-LA GOUVERNANCE

 Création d’une Haute Autorité de la Santé : cette Haute Autorité sera constituée sous la forme d’une autorité scientifique indépendante ( 12 personnalités nommées par le Président de la République, le Président de l’Assemblée Nationale , le Président du Sénat et lae Président du Conseil Economique et Social ) et devra émettre des recommandations à l’Etat et aux gestionnaires de l’assurance maladie pour déterminer ce qui doit être admis au remboursement ou ce qui doit être sorti du domaine des actes et des prestations pris en charge par l’assurance maladie.

 Création d’une Union Nationale des Caisses d’Assurance Maladie ( UNCAM) formée des caisses des trois principaux régimes (salariés, professions libérales,agriculteurs) .
Le président de l’UNCAM ( qui sera l’actuel directeur de la CNAM ) sera à la tête d’un conseil d’orientation qui devra travailler en étroite collaboration avec les organismes complémentaires ( Mutuelles et Assurances ) pour fixer le périmètre de soins remboursables et la fixation des taux de remboursement.
Il est d’ailleurs expressément prévu de créer une Union Nationale des Organismes Complémentaires qui devra obligatoirement être associée aux décisions de l’UNCAM.

En clair, les organismes complémentaires ( les assurances et les mutuelles ) auront leur mot à dire sur l’étendue et le taux de la couverture sociale.

Or, on sait que la logique des assureurs et de beaucoup de mutuelles est totalement différente de celle de la Sécurité Sociale où chacun paie en fonction de son revenu, sans qu’il soit tenu compte du risque qu’il représente.
La logique assurantielle est toute différente puisqu’elle remplace la logique de solidarité par celle de rentabilité et de risque ( les plus démunis peuvent payer moins cher mais avec une couverture moindre ).

Echaudé sans doute par la récente déroute électorale, le gouvernement par l’intermédiaire de son Ministre de la Santé tient des propos qui se veulent rassurants.
M. Douste Blazy ne pouvait sans doute pas remettre frontalement en cause l’existence de l’assurance maladie, il ne s’est donc pas engagé d’emblée dans la grande réforme libérale souhaitée par toute une frange de sa majorité parlementaire et par le MEDEF.

Toutefois ne nous y trompons pas, cette réforme libérale est en marche : le premier pas étant constitué par les modifications apportées à la gouvernance de l’assurance maladie. Derrière ce terme volontairement flou se cache en réalité une réorganisation en profondeur qui permettrait aux assureurs d’être associés à la gestion de l’assurance maladie obligatoire.

 Les mesures financières en évitant d’aborder tous les problèmes de fonds ne cherchent qu’à culpabiliser les patients et sont injustes socialement :

 Le Ministre a ainsi repris le discours habituel sur les congés de maladie abusifs et sur les fraudes à la carte vitale alors même qu’il est admis que ces faits sont marginaux.

 Le forfait de 1 euro par consultation est censé faire prendre conscience aux malades du coût de l’acte médical. En fait, c’est la porte ouverte à un désengagement de l’assurance maladie dans la logique de ce qui a été fait avec le forfait hospitalier ( fixé à l’origine à 3 euros il est va atteindre 14 euros ).

L’augmentation de 0,4 % de la CSG pour les retraités imposables devrait rapporter 550 millions d’euros . Rappelons que la CSG est financée à 88 % par les salariés et les retraités alors que les revenus financiers des entreprises ou certains types de rémunération ( stocK option ) ne contribuent pas.

Le reversement par l’Etat de 1 milliards d’euros à l’assurance maladie est très éloigné de la réalité : fin 2002 le montant total de la dette de l’Etat vis à vis du régime général s’élevait à 4,2 milliards dont la moitié provient des exonérations de cotisations sociales patronales non remboursées.

La contribution des entreprises est de l’ordre du symbolique ( hausse de 0,03 % de la contribution sociale de solidarité ).

 La mise en place d’un dossier médical partagé paraît à priori de bon sens mais la logique strictement comptable mise en œuvre par le Ministre risque d’en faire un instrument de restriction d’accès aux soins ( cette crainte a été notamment exprimée par les syndicats médicaux ).

 L’instauration d’un médecin traitant, référent, risque d’entraîner un accès aux soins à 2 vitesses puisqu’un spécialiste, dans le cas où il est consulté directement, pourrait augmenter ses honoraires.

 Le passage de 15 à 10 ans pour qu’un médicament puisse devenir un générique est une bonne mesure mais elle sera insuffisante tant qu’un véritable contrôle des prix des médicaments et de leur réelle efficacité n’aura pas été instauré ( rappelons qu’à l’heure actuelle les laboratoires affichent les taux de rentabilité les plus élevés du secteur industriel et continuent à placer sur le marché des molécules aux effets innovants très restreints mais à des prix qui peuvent être multipliés par 50 par rapport aux médicaments des générations précédentes.).

En fait, le sentiment qui prévaut est que les annonces ministérielles ne répondent pas aux véritables défis de l’assurance maladie.

Le principal argumentaire gouvernemental repose sur la limitation des dépenses, mais il omet sciemment de dire que le facteur principal de croissance des dépenses de santé est en réalité le progrès technique ( usage croissant d’équipements lourds et d’actes médicaux à haute technicité ). De même il ne dit pas que 48 % des dépenses se concentrent sur les personnes victimes d’Affection de Longue Durée ( cancer, diabète, maladies cardio vasculaires, Alhzeimer… ) qui elles mêmes représentent 12 % de la population du régime général, l’approche de la mort occasionnant par ailleurs de très fortes dépenses ( 14 000 euros en moyenne sur les 6 derniers mois de la vie ).

Si l’on suit le Ministre dans sa logique de responsabilisation-culpabilisation, les cancéreux ou les malades en fin de vie devraient donc être responsabilisés pour rationnaliser leurs dépenses ( ce discours est d’ailleurs tenu par le président de la Commission des Affaires Sociales à l’Assemblée Nationale- M Dubernard - qui voudrait distinguer les pathologies cancéreuses dites guérissables et les autres ) :

Ce discours n’a pas de sens et il omet surtout de se pencher sur l’INDISPENSABLE REFORME DU FINANCEMENT .

La pseudo-concertation entamée avec les partenaires sociaux n’aborde pas ce problème de fonds et le gouvernement nous rejoue le refrain entonné lors de la réforme des retraites en refusant toute piste alternative.

VOILA POURQUOI NOUS DEVONS EXIGER DE VERITABLES NEGOCIATIONS QUI PERMETTENT D’ABORDER LES PROBLEMES DE FONDS ( financement, prévention, périmètre de soins, politique du médicament…. ).

IL EN VA DE LA SURVIE DU SYSTEME DE SECURITE SOCIALE FONDE SUR LA SOLIDARITE .

PARTICIPONS MASSIVEMENT AUX MANIFESTATIONS UNITAIRES ( CGT-FSU-SUD-UNSA-FO-CFTC ) QUI AURONT LIEU LE 5 JUIN DANS TOUTE LA FRANCE POUR UNE SECU
SOLIDAIRE QUI PUISSE REPONDRE AUX DEFIS DE LA SANTE.

Une manifestation unitaire aura lieu à Albi le 5 juin ( 14 h 00 place du Vigan ) . L’appel unitaire vous sera transmis.

Retrouvez plus d’infos sur la réforme de l’assurance maladie sur le site :
http://www.tresor.cgt.fr/81/ ou en cliquant sur le logo CGT 81 dans le site du département du Tarn, rubrique vie pratique-infos syndicales.