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L’aberrant rêve sarkozyen d’un Etat-entreprise

Par Roland Hureaux. Prise dans l’urgence de tenir ses promesses, l’administration Sarkozy veut réformer à tout-va. En massacrant les services publics et la protection sociale d’un côté, en rêvant à des usines à gaz administratives à l’utilité douteuse de l’autre. Des réformes, disent-ils...

Après l’affaire de la carte famille nombreuse et celle du remboursement des lunettes, le président a prévenu qu’il ne devait pas y avoir de nouveau dérapages.
Il y en aura pourtant.
Cela en raison de la méthode de gouvernement suivie depuis un an – et davantage.
Quand des ministres peu inspirés sont sommés de produire des projets de réforme à tout va – ou tout simplement de faire des économies -, ils pressent leurs services de leur faire des propositions. Ceux-ci ont tous dans les tiroirs des projets en réserve, généralement depuis plusieurs années. Mais si ces projets en réserve étaient bons, cela se saurait, et il y a longtemps qu’on les aurait appliqués. La méthode Sarkozy s’est traduite par un raffinement supplémentaire de la démarche : la « révision générale des politiques publiques » fait appel à des consultants privés, au départ peu au fait des spécificités des organisations publiques, et qui sont allés eux aussi chercher des idées dans les cartons des ministères. On croit savoir que même Jacques Attali a fait appel à un grand consultant. Le rapport Attali propose de mettre les prestations familiales sous conditions de ressources. Juppé s’y était essayé, puis Jospin. L’un et l’autre avaient échoué. Et voilà à nouveau l’idée sur le tapis.
Pour ce qui est de la Sécurité sociale, après l’abandon de l’idée saugrenue, chère à Raffarin, de travailler le lundi de Pentecôte, la restriction aux remboursements des frais dentaires ou optiques font partie de la panoplie des projets que l’on est toujours prêt à ressortir en cas de nécessité, de pair avec la hausse de la franchise ou la fermeture des petits hôpitaux.

Egalité ou équité ? Les Français préfèrent l’égalité

En matière sociale, ces projets reprennent une vieille antienne de l’Inspection des finances – et de tout ce qui depuis trente ans est supposé penser les réformes, si pensée il y a, l’idée d’un meilleur « ciblage » (une expression technocratique qui fait florès) des aides sociales en direction des plus nécessiteux, manière de paraître à la fois plus juste et plus économe. Alain Minc avait formulé cette idée en proposant de substituer l’ « équité » à l’ « égalité » (qu’en termes élégants ces choses là sont dites !). Les allocations familiales ? Pour les plus pauvres seulement. En matière d’assurance maladie ou d’allocations de chômage, voire de retraites, on s’efforcera, dit-on, de mieux distinguer la logique dite « assurancielle » – que l’on peut éventuellement privatiser - de la logique de solidarité – qui doit rester au secteur public. En matière de logement, on proposera de pousser hors des HLM les locataires qui remplissaient les conditions de ressources quand ils sont entrés, mais qui ne les remplissent plus. En matière universitaire, le relèvement des droits d’inscription pour tous doit être compensé (du moins on le suppose) par l’allocation de bourses plus conséquentes aux étudiants nécessiteux, etc.
Cette logique est imparable dans sa rationalité. Le problème est qu’elle heurte de front la mentalité française : n’en déplaise aux grands augures, nos concitoyens préfèrent l’égalité à l’équité (si tant est que cette dernière soit vraiment équitable !) et on n’est pas prêt de les faire changer d’avis car ils ont de bonnes raisons pour cela. La logique dite de l’« équité » contribue en effet à enfermer un peu plus dans des ghettos les catégories que l’on voudrait privilégier, à commencer par les immigrés ; en outre, elle frappe en premier lieu les classes moyennes inférieures qui s’estiment déjà lésées par des impôts lourds dont elles veulent voir le retour. Elles en ressentent d’autant plus le poids qu’elles ne bénéficient, elles, à la différence des vrais riches, ni du bouclier fiscal, ni de possibilités d’évasion. C’est, selon Emmanuel Todd, la défection de ces classes qui a assuré le succès du non au référendum du 9 mai 2005.
C’est pourquoi la plupart des tentatives tendant à substituer l’« équité » à l’« égalité » ont jusqu’ici échoué. S’agissant des droits d’inscription universitaires, nos dirigeants, échaudés par les événements de 1987, savent qu’il ne faut pas y revenir. Pour d’autres sujets, par exemple pousser hors des HLM ceux qui dépassent le revenu plafond (ce qui figure dans le projet de loi sur le logement en préparation), il y a fort à parier que l’idée, déjà expérimentée par Juppé, aura les mêmes effets que précédemment : levée de bouclier, recul du gouvernement, bref de nouveaux couacs en perspective.

Services publics : haro sur les petites structures

En matière de services publics, les poncifs proposés par nos grands cerveaux sont aussi peu inspirés : s’agissant de l’Etat, de La Poste, des préfectures, des hôpitaux, il n’est que rarement question de réduire les effectifs dans les grandes structures où chacun soupçonne pourtant qu’il y a bien des économies à faire ; ce sont toujours les bouts de chaîne : sous-préfectures, petits tribunaux, petits centres de tri, hôpitaux ruraux, jugés à tort ou à raison peu rentables, que l’on se propose de supprimer. La réforme de la carte judiciaire présentée comme la pierre angulaire de la remise en ordre de la justice, s’inspirait de cette optique sans que les bénéfices financiers en soient encore avérés. En fermant la caserne, le tribunal, l’hôpital et demain la sous-préfecture, c’est notre réseau de petites et moyennes villes, celles qui ont fait pendant longtemps la spécificité de la géographie et de la civilisation françaises que l’on mine. Si la DATAR existait encore, elle nous expliquerait qu’en poussant ainsi la population vers les grandes métropoles, on induit des surcoûts collectifs considérables qu’il faudrait aussi mesurer. Curieusement, la France du milieu du XXe siècle, pourtant beaucoup moins riche, pouvait s’offrir tous ces services de proximité. A quoi sert le « progrès », se demandent légitimement les populations concernées, s’il conduit à appauvrir systématiquement l’offre de services publics ? La volonté réitérée, malgré plusieurs échecs, de réduire les petites brigades de gendarmerie fut une des causes de la révolte des gendarmes de la fin 2001. Comme dans le cas de la carte familles nombreuses, les mesures que l’on dut prendre ensuite pour éteindre l’incendie coûtèrent beaucoup plus cher que les économies prévues au départ.
Les idées de réforme ou d’économies ainsi tirées des placards ont en commun de s’en prendre à des fondamentaux de la politique française au sortir de la guerre, comme la politique familiale et l’aménagement du territoire. N’est-ce pas parce qu’il avait quelques remords sur ces sujets aujourd’hui délaissés que le président a nommé lors du dernier remaniement Nadine Morano secrétaire d’Etat à la Famille et Hubert Falco à l’aménagement du territoire ? Mais à quoi bon, si toutes ces politiques demeurent inchangées ?

La « fusion-acquisition » n’a pas sa place dans l’Etat

Si l’on voulait dresser un tableau complet des marottes de la haute fonction publique, reprises par les cabinet d’audits ou les grands experts de type Camdessus ou Attali, il faudrait ajouter les regroupements de services de l’Etat sur le modèle propre au secte
ur privé de la « fusion-acquisition » : Impôts-Trésor, Police-Gendarmerie, Agriculture-Equipement, Patrimoine-Archives etc. Le but est « un Etat stratège et efficient », répètent nos hauts fonctionnaires sans se rendre compte du ridicule d’une formule déjà usée. Là aussi beaucoup de bruit, un « coût de transition », comme disent les spécialistes, très élevé, pour des économies finalement problématiques. Surtout l’oubli de cette donnée élémentaire que l’on ne peut faire fondre les structures publiques, à la différence des entreprises, que par la base et non par le sommet - et aussi de cette autre, que dans le secteur public, l’« efficience » diminue la plupart du temps avec la taille des organismes. Caricatural est le fait que les mêmes qui proposent ces mesures de simplification des structures proposent en même temps de créer toujours plus de nouvelles agences, offices etc. : ainsi le rapport Attali lance-t-il l’idée d’agences de services publics, d’agences de formalités pour les PME etc. Le plan Sarkozy d’avril 2008, « 250 mesures pour économiser 7 milliards d’euros », après avoir annoncé « la suppression d’une trentaine de structures d’administration centrale ou d’organismes divers » (sans dire lesquels) propose dans la foulée sans sourciller « la création d’une Haute autorité chargée de garantir l’indépendance du système statistique », la « création d’une Haute autorité de la concurrence », la « création d’un centre national d’appels pour les consommateurs » etc !

M.Sarkozy voulait réformer l’Etat de fond en comble. Il ne décolère pas, paraît-il, sur l’incompétence de ses équipes. Il a raison. Malheureusement pour lui, elles reposent sur les mêmes hommes, les mêmes idées, généralement éculées, la même culture qui ont si bien assuré l’échec des tentatives de réforme précédentes. Faute d’un vrai renouvellement de la pensée réformatrice – et sans doute du personnel chargé de proposer et mettre en œuvre les réformes -, sa politique aboutira aux mêmes échecs que précédemment, alors que la situation est plus critique. Dans certains cas, comme la réforme de la carte judiciaire, le pouvoir peut encore passer en force - pour quel bénéfice et à quel coût politique ? Gageons que dans bien d’autres cas, il sera contrait de reculer comme il vient de le faire sur la carte famille nombreuse.

Roland Hureaux

article publié sur le site Marianne2.fr