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Pas de relance sans services publics (2/3) : le Cadastre

Dans une série de 3 articles, l’économiste Jean Marc DURAND nous démontre les ravages aux sein de la société que font les démembrements des services publics.

Chronique parue dans l’Humanité des 23, 24 et 25 février.

Le cadastre dans le collimateur

Si l’intervention publique opère un retour en grâce à la faveur de la crise, la droite sarkozyste n’en poursuit pas moins son oeuvre de sape des services publics. Les administrations financières sont particulièrement dans le collimateur. Témoin l’évolution des missions du service du cadastre
Les missions du service du cadastre sont d’assurer l’établissement des bases servant au calcul du produit des impôts locaux (taxes foncières, taxe d’habitation, taxe professionnelle et taxe d’enlèvement des ordures ménagères) après application des taux votés par les collectivités territoriales pour l’établissement de leur budget. À cette fin, ce service dispose de deux principaux outils : le plan cadastral et la matrice cadastrale. Le premier est un relevé parcellaire du territoire national donnant à voir les limites de propriétés privées et publiques et le bâti implanté. La seconde est un fichier des parcelles précisant leur contenance, leur nature, avec le bâti qui s’y rapporte, assorti de la valeur locative de chaque bien et du nom du redevable de l’impôt.

Le service du cadastre, qui tient annuellement ces deux documents à jour de tous les changements intervenus, joue un rôle déterminant pour les collectivités territoriales comme pour chaque citoyen. Les unes peuvent disposer d’éléments fiables pour asseoir leurs taxes. Les autres ont un accès quasiment gratuit aux informations figurant au plan cadastral ou dans les matrices cadastrales. Chaque citoyen peut demander des extraits de plan ou de matrice. Chaque contribuable, s’il veut contester la valeur des bases de ses impôts locaux, peut directement s’adresser au service du cadastre au sein duquel il rencontrera des agents qualifiés disposant d’informations de qualité.

Or depuis la fusion des administrations des impôts et de la comptabilité publique, qui a donné naissance à la Direction générale des finances publiques (DGFIP), un processus de fusion du service du cadastre avec les centres des impôts a été engagé. Au final, le service du cadastre aura totalement disparu. Derrière cette restructuration se profile la volonté de réduire les effectifs mais aussi de transférer les activités rentables au privé.

Quelques organismes ont bien compris la nécessité de répondre à une demande croissante des usagers dans le domaine de l’information géographique, et l’énorme enjeu financier que cela représente. Par exemple, l’Institut géographique national (IGN, établissement public doté de l’autonomie financière, financé pour moitié par l’État et moitié par ses ressources propres), qui s’est fixé pour objectif de devenir « la » référence, y compris cadastrale.

Un projet de loi (1) a déjà été déposé, qui prévoit de transformer le plan cadastral en un simple sous-traitant de l’IGN. Ce choix revient à concéder à l’établissement public (IGN) le statut de référentiel de l’information géographique en France. Il s’agirait là d’une prise de pouvoir dont une des premières conséquences serait, sans aucun doute, de faire payer au prix fort l’accès au référentiel IGN. Actuellement, déjà, les cartes IGN sont payantes. La voie vers une privatisation pure et simple du plan cadastral serait ainsi ouverte. Dans le même temps, la composition du Comité national à l’information géographique (CNIG), instance chargée de fixer les orientations politiques du travail de relevé topographique, évoluerait. Elle intégrerait notamment le directeur général de l’IGN. Et le représentant de l’Association des maires de France au futur CNIG ne devrait être autre que le maire de Saint-Mandé (Val-de-Marne), commune où est implanté l’IGN… Si l’on voulait créer une situation hégémonique, on ne s’y prendrait pas différemment. L’administration fiscale (DGFIP) serait en revanche absente de cette instance.

En 2001, dans un rapport sur l’information géographique, le député Guy Lengagne prenait pourtant un engagement clair : « La Direction générale des impôts et l’IGN entreprendront une collaboration qui n’affectera en rien les missions actuelles de la DGI (cadastre) et n’en transférera aucune partie à l’IGN. » Huit ans plus tard, et un an après avoir fêté le bicentenaire du plan cadastral, c’est de la liquidation de cet outil public dont il est question. Un volume colossal de connaissances, d’informations et de savoir-faire en matière foncière, immobilière, fiscale et topographique, serait alors gâché. Un nouvel abandon de missions publiques, qui aurait de lourdes répercussions pour les collectivités territoriales comme pour chaque citoyen. Une perspective qu’on ne peut s’empêcher de mettre en relation avec la décision de supprimer la taxe professionnelle, sous-tendant une révision de toute la fiscalité locale, et avec les travaux de la commission Balladur, visant une restructuration de l’organisation territoriale de l’État.

(1) Projet « Warsmann », du nom de son rédacteur. Nº 1085. Voir article 35.